Dark Water

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Dark Water
Honogurai Mizu No Sokokara
Japon, 2001
De Hideo Nakata
Scénario : Yoshihiro Nakamura
Avec : Fumiyo Kohinata, Hitomi Kuroki, Shigemitsu Ogi, Yu Tokui
Photo : Junichiro Hayashi
Musique : Kenji Kawaï
Durée : 1h37
Sortie : 26/02/2003
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Yoshimi Matsubara vient de divorcer. Elle élève seule, dans des conditions difficiles, Ikuko, sa fille âgée de six ans. Pour améliorer leur quotidien, elle décide d'emménager dans un appartement plus grand. Mais une fois sur place, les lieux se révèlent insalubres. Des bruits étranges retentissent à l'étage supérieur. Puis, du plafond, commence à tomber de l'eau, qui, lentement, envahit le domicile. Chaque goutte devient alors une bombe destinée à faire voler en éclats la vie fragile de Yoshimi. Celle-ci ne trouve pas de travail. Son mari souhaite récupérer la garde de l'enfant. Le concierge n'entreprend pas de réparations dans l'immeuble... Peu à peu, l'horreur s'installe. Et à mesure que l'existence de Yoshimi se dégrade, ses pires cauchemars prennent forme.

PLUIE NOIRE

Personne ne l'aura vue venir mais tout le monde aura été trempé. La vague Ring a déferlé il y a maintenant 10 ans au Japon, et le pari paraissait pourtant bien saugrenu à l'époque. Cela faisait en effet des décennies que le fantôme japonais semblait un peu endormi dans son puit, après avoir peuplé l'imaginaire de quelques uns des plus grands cinéastes nippons, de Kenji Mizoguchi à Akira Kurosawa, tout en s'illustrant, entre autres, dans les perles spectrales de Nobuo Nakagawa. Ring reprend les codes classiques pour leur donner un coup de lustre, fantôme rural devenu contamination urbaine, conte intemporel contre légende urbaine, fable morale contre peinture sociale d'un Japon aussi high-tech que déshumanisé, et où le fantôme joue sur l'anxiété paranoïaque en s'invitant par l'écran télévisé. Pourtant, Nakata a de nombreuses fois déclaré que l'horreur n'était pas son genre de prédilection. Dark Water, réalisé 4 ans après Ring sera le compromis idéal, effrayant film de fantômes mais aussi mélodrame tel que Nakata les affectionne.

L'eau qui baigne les morts, celle du fond des puits ou des marais où trainent les spectres, cette même eau sombre s'abat sur Tokyo. Quoique fasse l'héroïne, mère-courage en instance de divorce, cette pluie tombe sur sa tête dès le premier plan, jusqu'à goutter dans son appartement, comme les grains d'un sablier qui tombent jusqu'à l'ultime sentence. L'eau s'infiltre partout car le drame est inextinguible: Nakata peint un portrait de femme en souffrance tel que Mizoguchi en orchestrait jadis, inscrivant son héroïne dans un contexte social oppressant, usée par la lime d'une société masculine qui l'isole encore un peu plus (dans un immeuble en espace abstrait qui semble d'ailleurs vidé de tous ses habitants), et où le fantastique n'est qu'une échappatoire aussi tragique qu'illusoire. Selon les propres dires de Nakata, le dénouement de Dark Water marche comme une réminiscence de celui des Contes de la lune vague après la pluie, en apparition impuissante, bienveillance de l'au-delà mais condamnée aux limbes.

Symbole de mort (l'appartement du dessus, aussi hanté qu'inondé, l'eau entourant les socquettes de la fille fantôme, le réservoir menaçant au sommet de l'immeuble), l'eau est aussi symbole de vie dans ce film où la maternité est l'un des motifs. Le combat d'une mère pour garder sa fille, tandis que sur les murs s'accumulent les affiches sur une mystérieuse gamine disparue, au visage effacé. Oubliée, comme on peut l'être à la sortie des classes, guettant l'arrivée de maman. Le raz-de-marée final ne laisse plus vraiment de doute, avec un ascenseur-utérus qui libère son liquide amniotique pour accompagner la nouvelle naissance. Happy end en trompe l'oeil car il s'agit là d'un abandon, réconciliation avec les morts qui sonne comme une capitulation, fille perdue dont la mère s'est finalement noyée malgré son acharnement. Nakata reste fidèle à sa recette de Ring, avec une horreur qui joue sur l'attente, l'environnement sonore, ce qui rôle autour du cadre, accentuant encore l'impression de terreur mentale dont il est ici question. Aux côtés de Junichiro Hayashi (chef op de Ring, Kairo ou Kaidan) et de Kenji Kawai, partenaire habituel de Nakata, le réalisateur nippon a signé un des sommets de ce renouveau, devenu, depuis, un classique poignant où où les enfants sont oubliés et où libération et salut ne passent plus que par le renoncement.

par Nicolas Bardot

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