Body Double

Body Double
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Jeune acteur sans le sou et sans appartement, Jack squatte le studio d’un ami. Avec une longue vue, il observe le voisinage et surtout Gloria dont il tombe amoureux. Elle est assassinée sous ses yeux…

SIMULACRES

1984. Brian De Palma profite du succès de Scarface, sa descente dans l’enfer de la drogue et de l’ultra violence, bientôt culte grâce à la performance hallucinée d’Al Pacino, pour signer son long métrage le plus baroque et le plus extravagant, Body Double, une incursion dans la face cachée d'Hollywood, 22 ans avant son vénéneux Dahlia noir. La légende rapporte que l’auteur de Phantom of the Paradise souhaitait tourner des scènes de sexe non simulées avec l’actrice porno Annette Haven dans le rôle de Holly finalement interprété par Melanie Griffith. Cette dernière allait même être la révélation du film, citée pour le Golden Globe du meilleur second rôle. Brian De Palma recevra lui une nomination pour le pire metteur en scène de l’année… C’est dire si les Américains détestent ce genre de cinéma qui cumule les fausses pistes et les différentes tonalités. Grande farce hitchcockienne sur les apparences, déclaration d’amour au septième art même le plus fauché et le plus artificiel, le film reste, aujourd'hui encore, bien souvent incompris.

JE EST UN AUTRE

Comme d'habitude dans le cinéma de De Palma, l’intrigue n’est qu’un prétexte dont la clé de compréhension figure dans les dix premières minutes. Bien avant Snake Eyes ou Femme fatale, le réalisateur s’amusait à donner d'entrée la solution du mystère. Le plaisir ludique de Body Double réside moins dans la résolution que dans la progression de l'action, la manière dont le spectateur est manipulé. Dès le génial faux générique, artifice déjà employé dans Blow Out, De Palma n’aura de cesse de jouer avec les codes et le bon goût. Le choix du héros, Jake Scully (hilarant Craig Wasson), est particulièrement retors. Comment s’identifier à ce loser patenté, claustrophobe et paranoïaque, dépassé par les évènements, qui mate en secret, chaque soir, l’effeuillage intégrale de sa voisine? Et pourtant, tout fonctionne parfaitement par la seule grâce de la mise en scène. Le cinéaste ose la surenchère. Le meurtre de Gloria est un modèle d’efficacité, avec un sens inouï du montage qui nous met dans la peau du pervers rendu impuissant par sa peur du vide. Personne n’avait jamais fait mieux dans la culpabilisation du spectateur à part un certain… Alfred Hitchcock.

LA VOIX DE SON MAÎTRE

Body Double est en effet un hommage appuyé et sincère au maître anglais du suspense. L’histoire juxtapose deux chefs-d'oeuvre de l’auteur des Oiseaux: Fenêtre sur cour pour la situation de voyeur dans laquelle est placé le personnage principal, et Sueurs froides pour la dualité des héroïnes, la phobie et l’obsession du héros. Brian De Palma ne se contente pas d’explorer les thématiques d’Hitchcock, il utilise les effets de ce dernier, jeu de transparence, montage alterné, en élaborant sa propre grammaire. Car Body Double est avant tout un film à la signature évidente. Si Le Dahlia noir a un ton résolument plus sérieux – le clip de Relax de Frankie Goes to Hollywood inclus dans Body Double est de toute façon un sommet inaccessible -, il reprend la charge ironique de De Palma contre l’industrie du rêve en dévoilant sa face la plus sombre. Bien sûr, le film fut un bide considérable d’un point de vue commercial.

par Yannick Vély

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