Blue Velvet

Blue Velvet
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Jeffrey Beaumont, se rendant au chevet de son père victime d'une crise cardiaque, à Lumberton, découvre en cours de route une oreille dans un terrain vague. Après l'avoir apporté à son voisin, l'inspecteur Williams, il va mener sa propre enquête avec Sandy, fille Williams, et remonter jusqu'à Dorothy Vallens vivant sous la menace de Frank Booth qui a kidnappé son mari et son fils. Il découvrira alors la face cachée de la ville: derrière le vernis d'une charmante banlieue se dissimule un monde sous-terrain violent et obscur, face cachée d'un monde envahi par le sexe et la drogue.

"Blue Velvet s'est construit à partir de trois éléments: une chanson de Bobby Vinton qui donne son titre au film et en constitue le leitmotiv, un vieux fantasme de voyeur qui me hantait depuis longtemps (j'ai toujours rêvé de me glisser dans la chambre d'une jeune fille pour l'observer en secret pendant toute la nuit) et l'image d'une oreille coupée au milieu d'un pré...".

Après le fiasco retentissant de Dune, où il fut privé de son final cut, Lynch se vit confier cinq millions de dollars par Dino De Laurentiis, producteur mécène, pour tourner un thriller en Caroline du Nord pour lequel lui était dévoué une totale liberté artistique. Réussite totale excitante autour de dérèglements mentaux dans une Amérique profonde fantasmée, carrefour flou entre le réel et l'abstrait, Blue Velvet n'en reste pas moins le film le plus déjanté et stimulant de son auteur. Refoulé dans de nombreux festivals pour sa scène de fellation explicite et pour sa sensualité jugée trop porno, il gagnera en contrepartie une réputation sulfureuse lui ayant permis un joli succès d'estime européen. Extraordinaire par sa technique de double interprétation de l'image dont Mulholland Drive constitue l'accomplissement.

"Blue Velvet est une chanson de Bobby Vinton écrite dans les années cinquante, que j'ai découverte - et beaucoup aimée - dans les années soixante. Une chanson qui m'a inspiré un certain état d'esprit. Quand au velours, c'est un matériau extraordinaire, sensuel, riche, lourd... presque organique".

Sur des bases de film noir, Lynch explose l'ambiance sitcom d'une bourgade bien sous tous rapports pour en faire ressortir toute une perversité digne d'un film d'épouvante sadomasochiste. La relation ambiguë liant Jeffrey et Dorothy, d'une sexualité agressive et troublante, parachève ce patchwork inquiétant tranchant avec l'idyllisme de carte postale des premiers abords d'un environnement hanté et dépressif. Il n'y a rien de plus insolite, de plus anormal, de plus monstrueux, que ce qui se cache derrière une banale normalité. Dans cette petite ville paisible où il menait jusqu'ici une existence tranquille, le jeune héros et sa petite amie vont découvrir d'étonnants réseaux de dealers, de maîtres-chanteurs cruels, de criminels en puissance dopés à l'oxygène, de tueurs à gages hystériques, de policiers troubles, de maquereaux... Grâce à une image pleine d'ombres ou de couleurs trop riches, à une bande son bruissante d'étranges rumeurs et à une caméra louvoyante, la plus anodine des scènes tourne à la plus effrayante des situations.

Pour tenir ces extrêmes, Lynch innove en inventant un cinéma hyperréaliste qui se manifeste par une double démarche. Sa caméra saisit, de très près, ce que notre oeil n'a pas l'habitude de voir. Par ailleurs, elle fixe, elle immobilise des visions, des tableaux par une double approche du monstrueux qui se cache sous les apparences et les gestes, sous la peau et le mouvement.

par Yannick Vély

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