Basic Instinct

Basic Instinct
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Basic Instinct
États-Unis, 1992
De Paul Verhoeven
Scénario : Joe Esztheras
Avec : Michael Douglas, George Dzunza, Sharon Stone, Jeanne Tripplehorn
Photo : Jan de Bont
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 2h07
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A San Francisco, une rock-star embourgeoisée est sauvagement assassinée à coups de pic à glace. L’inspecteur Nick Curran, chargé d’investiguer sur l’affaire, découvre qu’il avait une relation avec la mystérieuse Catherine Tramell, romancière aux mœurs troubles. En faisant la connaissance de cette dernière et de son passé, il n’imagine pas dans quel univers de stupre et de mensonge il plonge, jusqu’à perdre pied.

PLUME DE SANG

En 1990, le scénariste Joe Eszterhas décroche un record historique en se faisant payer 3 millions de dollars pour le script de Basic Instinct, un thriller érotique que la rumeur prétend torride au possible. Paul Verhoeven, metteur en scène d’ascendance hollandaise n'ayant pas froid aux yeux, décide immédiatement de l’adapter, avec le secret espoir de frapper un grand coup. Pour cela, il engage l’une des stars les plus bankable du moment, Michael Douglas, et lance un casting féminin pour le rôle de l’ écrivaine opaque, qui voit défiler tout ce qu’Hollywood compte de têtes d’affiche. Son choix se porte finalement sur Sharon Stone, déjà présente dans Total Recall, son précédent film. Sa beauté diabolique et son intellect affûté comme une lame de rasoir se ressentent palpablement à l’image, ouvrant d’un coup toutes les portes fantasmatiques chez le mâle commun. Le film crée à la fois une nouvelle star et une incarnation culte de mante religieuse, qui s’impose au même rang que les interprétations de l’âge d’or du film noir façon Gene Tierney, Ida Lupino ou Linda Darnell. Mais 90’s obligent, les allusions scabreuses qui défient le code Hayes durant l’ère des studios se muent en scènes plus explicites, avec en apothéose une scène d’interrogatoire d’une insolence rare, où la femme attise et renverse tous les hommes présents par le seul pouvoir de sa sexualité. Ce personnage de prédatrice qui utilise le pic à glace comme un substitut du phallus, symbole de l’omnipotence masculine, et le retourne contre lui, frappe par son audace et sa violence crue.

T’AS LE BONJOUR D’ALFRED

Verhoeven n’est pourtant pas un créateur à la prose gratuite et, au-delà du message franc qu’il adresse à sa prude communauté, son film est parsemé quasi-mathématiquement de références au maître Hitchcock. Basic Instinct est ainsi un hommage réflexif à Sueurs Froides, classique des classiques. La trame, celle d’un détective à la conscience coupable qui poursuit une femme blonde et en tombe amoureux avant de perdre ses repères, est identique. La scène où Nick Curran descend les escaliers de son immeuble est ouvertement calquée sur celle où Scottie Ferguson (James Stewart) est pris d’un vertige paralysant dans la tour de l’église. Les vues aériennes sur la côte Pacifique, la multiplicité des regards dans le rétroviseur et l’utilisation des miroirs comme révélateurs des secrets de l’âme, sont autant de renvois. Enfin, la plus frappante des ressemblances s’établit entre Sharon Stone, blonde platine au style plus glacial qu’une banquise, et ses dignes prédécesseuses Tippi Hedren, Grace Kelly ou Eva Marie Saint, desquelles elle n’a pas à rougir. Même ses tenues sonnent comme une réminiscence à Kim Novak, quand le style démodé de Jeanne Tripplehorn évoque plutôt l’empruntée Barbara Bel Geddes. San Francisco, où se joue la dépravation et se dénoue le mystère de la meurtrière poursuivie, avant qu’elle-même ne chasse à son tour, est filmé alternativement à ras du sol et en de majestueux plans larges, ainsi que les affectionnait Hitchcock, animant la ville comme un théâtre où le sang des crimes et la sueur des ébats sulfureux s’écoulent de conserve.

BIENVENUE AU BARNUM

Mais en cette période pré-Clintonienne où fleurit le politiquement correct, une partie de la communauté gay en butte aux ravages du Sida n’a que faire des hommages cinéphiles de Basic Instinct et n'y voit qu’amoncellement de clichés rétrogrades, où l’héroïne est une lesbienne chassée comme une sorcière, qui doit périr pour sauver la morale, comme dans la bonne vieille tradition. Les leaders de l’association Queer Nation, basée à San Francisco, où vit par ailleurs la communauté gay la plus importante et la plus visible du pays, mettent dès lors tout en œuvre pour saboter le tournage du film, en organisant de violentes manifestations et en accusant Paul Verhoeven et Mario Kassar, le producteur, d’attitude homophobe et anti-féministe. Les médias se prennent au jeu et contribuent malgré eux à la publicité négative qui se construit autour du film. Certains journaux vont jusqu’à dévoiler l’identité du meurtrier quelques jours avant sa sortie. Basic Instinct, avant même d’être diffusé en salles, devient un phénomène de société qui marque la rupture avec le conservatisme de la décennie Reagan et préfigure avec des années d’avance la meilleure acceptation de la pluri-sexualité au tournant du siècle. Le film est un succès commercial énorme dans le monde entier (352 millions de dollars) avant d’asseoir instantanément son statut culte. La célèbre sociologue Camille Paglia explique que Basic Instinct capture parfaitement le fait que la société moderne a détruit la tension naturelle entre les deux sexes et que le désir sexuel latent permet de maintenir cette guerre du pouvoir social. A ce titre, l’œuvre apparaît en définitive, plus que jamais, comme un manifeste ultramoderne, dont la portée dépasse les enjeux cinématographiques.

par Grégory Bringand-Dedrumel

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