Aventure du Poséidon (L')

Aventure du Poséidon (L')
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
  • Aventure du Poséidon (L')
  • Aventure du Poséidon (L')

A bord du Poséidon, un joyau des mers sur la route d’Athènes, les passagers s’apprêtent à fêter le Nouvel An en grande pompe. Tous smokings et robes en lamé dehors, nul ne s’attend au pire. Mais le commandant Leslie Nielsen zieute une vague monstrueuse qui leur arrive droit dessus. C’est le drame.

LA CROISIERE EN A MARRE

L’Aventure du Poséidon est une pierre blanche dans l’histoire du film hollywoodien, en ce sens qu’il fait le pont entre deux genres: la superproduction classique de studio et le blockbuster. On lui connaît peu d’aînés hormis Airport (1970) qui donnera lieu à plusieurs suites assez malheureuses. Pour autant, le film de Ronald Neame repose sur un concept simple: un casting de stars se retrouve dans une mouise infernale. Tout part du roman de Paul Gallico, qui s’inspire d’une expérience vécue à bord du Queen Mary lors de l’un de ses voyages. Frappé par une puissante vague, le majestueux navire tangua si fortement que le mobilier vola à travers les pièces et les passagers furent déséquilibrés. Des années plus tard, à la recherche d’un thème pour son prochain livre, il hypertrophie l’incident et relate une catastrophe majeure qui fait périr des centaines de victimes.

Le producteur mégalomane Irwin Allen s’empare de l’affaire pour réaliser un fantasme de désastre à grande échelle et monte le projet de fond en comble en laissant les rênes de la mise en scène au bon faiseur Ronald Neame. Une collaboration qui démarre houleusement entre les deux hommes, surtout quand le haut patron de la Fox annonce quinze jours avant le début du tournage, alors que les décors sont déjà construits et le cast en répétition, l’annulation pure et simple du projet. A force de poings levés et de diatribes, Allen impose sa loi, réquisitionne le Queen Mary amarré à Long Beach pour tourner les séquences en extérieur et défend son projet corps et âme quand tout Hollywood lui prédit que le seul vrai naufrage sera le sien. Le grand attrait du film, outre ses impressionnantes scènes de chambardement absolu, est de se focaliser sur un petit groupe d’individus qui tente de survivre. Parmi eux, des têtes d’affiche comme Gene Hackman, Ernest Borgnine et Shelley Winters, aisément identifiables par le public qui prend un malin plaisir à les voir se rétamer les uns après les autres. La "star" en villégiature qui s’éclate sur un bateau de luxe n’est plus une créature d’exception, elle est aussi assujettie à la fatalité.

ON SE CALME ET ON BOIT SALE

Sans pitié pour leurs acteurs, Allen et Neame se comportent en démiurges et s’amusent à transformer les plateaux de tournage en un gros culbuto décomplexé, en particulier dans la séquence où le navire se retourne et renverse les fêtards du Nouvel An. L’habileté redoutable du montage et des effets spéciaux artisanaux de l’époque laissent croire à des chutes vertigineuses et fatales quand il ne s’agit que de glissades intervillesques. L’ensemble tend même au sadisme déguisé quand Neame, afin de mieux convaincre ses interprètes de se prêter au jeu, répète lui-même chaque cascade avant les prises. C’est lui qui convainc la pauvre mais volcanique Shelley Winters de prendre vingt kilos pour le rôle et de s’essayer à l’apnée – elle se fera entraîner par Johnny Weissmuller himself – pour la crédibilité du rôle. De même que les costumes ne sont confectionnés qu’en exemplaires uniques car ils seront portés jour après jour, s’imprégnant au fur et à mesure de la crasse, de la suie et de la sueur des protagonistes, ces derniers endurent les pires conditions de tournage, dans la fournaise, perpétuellement trempés, secoués en équilibre sur l’auriculaire, sans (presque) se faire doubler.

Les crises de nerfs deviennent quotidiennes, Neame pète les plombs, Allen exulte devant les rushes et songe déjà à faire rôtir cinq cent personnes dans un gratte-ciel… Au terme de quatre mois de production, le navire est enfin à flot et prêt pour le voyage dans les salles. Un dispositif marketing sans précédent est mis en place bien que les mauvaises langues des studios ricanent et continuent de prédire un échec cuisant. Mais c’est un succès triomphal qui attend le film avec 80 millions de dollars au box-office et huit nominations aux Oscars, preuve que l’industrie est prête pour ce qui sera l'une des grandes tendances des années 70, le film catastrophe. S’ensuivront d’ailleurs avec bonne fortune La Tour infernale (1974), Tremblement de terre (1975) et L’Odyssée du Hindenburg (1975). Mais L’Aventure du Poséidon, avec sa démesure, sa densité dramatique, reste un fleuron novateur qui, malgré les années, étonne toujours par son efficacité cathartique.

par Grégory Bringand-Dedrumel

Commentaires

Partenaires