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A l’heure où Disney met l’animation 2D au placard au profit d’un illusoire eldorado plaqué numérique, quelques artistes persistent et signent pour une technique aussi ancienne que le cinéma: le stop-motion ou animation image par image. Tim Burton et le studio Aardman prouvent leur attachement à une tradition proprement faite à la main.







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Si le cinéma fut inventé un matin, pour le dîner, on commençait déjà à filmer en stop-motion. Quintessence de l’effet spécial originel, l’ampleur des possibilités consistant à arrêter la caméra au milieu d’une prise, d’aller modifier un détail – faire disparaître l’acteur, déplacer un objet, etc… - puis de reprendre la prise de vue s’est rapidement imposée parmi les pionniers du septième art. Il était devenu possible de faire mentir l’image en mouvement. En outre, le public à l’époque n’était pas abreuvé d’informations sur les procédés de fabrication de ce nouveau médium, le leurre fonctionnait à merveille. Ainsi, Méliès et d’autres impressionnèrent la pellicule des premières tentatives de trucage, avec notamment le fameux visage dans la lune du Voyage dans la lune. Toutefois, il faudra attendre entre 1910 et 1920 pour voir apparaître les premières ébauches d’animation image par image pour un personnage. Le grand pionnier s’appelle Willis O’Brien. C'est presque accidentellement qu'il a inventé le principe alors qu’il fabriquait des maquettes pour un cabinet d’architecte. Tout en jouant avec un boxeur miniature da sa conception, il lui fait prendre les différentes pauses du combat. Très vite, il comprend l’intérêt d’une telle découverte pour le cinéma. Dans Le Monde perdu (1925) d’après Conan Doyle, O’Brien met au point la technique encore utilisée de nos jours: l’utilisation d’un squelette en métal recouvert par le "costume" du personnage ou de l’animal réalisé en matière souple (pâte à modeler, plasticine, latex, …).


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La technique permet d’abord de recréer en trois dimensions des animaux disparus ou fantastiques tels que des dinosaures, des dragons ou des singes géants. Mais son principal intérêt provient bien de ce sens de profondeur, d’existence sur la pellicule. Ainsi, l’association de ces images pourtant bourrées de défauts à cette époque – mouvement saccadés et approximatifs – permettent un réalisme bien supérieur qu’avec un simple dessin animé. Le jeu sur l’ombrage est précis et la marionnette peut être filmée sous presque toutes ses coutures. Malheureusement le procédé est coûteux en temps puisqu’il faut plusieurs jours pour créer quelques secondes de film, à raison d’un photogramme par étape de l’animation. Minutie, patience et rigueur caractérisent Willis O’Brien et ses compères. Toutefois, il produira son grand œuvre en 1933 pour le légendaire King Kong, en créant le mythique singe géant et en l’animant dans ses combats contre les dinosaures et autres avions au sommet de l’Empire State Building. Il influencera plusieurs générations de réalisateurs et de techniciens, à commencer par l’immense Ray Harryhausen. Lequel approchera Willis O’Brien alors qu'il n’est encore qu’un adolescent. Séduit, le vétéran d'Hollywood le prend sous son aile et l’introduit dans le milieu encore balbutiant des effets spéciaux. Harryhausen parvient immédiatement à se faire engager par Schoedsack et Cooper, réalisateurs de King Kong, afin qu’il assiste O’Brien sur leur Mighty Joe Young en 1949. Il réalisera sur ce film près de 90% de toute l’animation et débutera une carrière fructueuse.


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Devenu une légende, Harryhausen affine la technique de O’Brien dans It Came from Beneath the Sea et sa pieuvre à six tentacules - plutôt que huit pour des raisons budgétaires - jusqu’au Septième Voyage de Sinbad. Puis, c’est en 1963 qu’Harryhausen deviendra une légende avec Jason et les Argonautes, notamment grâce à la scène où l’on voit Jason se battre contre une armée de squelettes. Scène qui demanda quatre mois de production pour à peine trois minutes à l’écran. Véritable choc à l’époque, similaire à celui de King Kong, le film suscitera à son tour de nombreuses vocations et Harryhausen rentrera dans la légende. Toutefois, il faudra attendre encore quelques années avant de voir apparaître les premiers films courts réalisés exclusivement en image par image, principalement en raison de la lourdeur de la technique de production. C’est ainsi que l’on découvrira Will Vinton, inventeur de la claymation (animation en pâte à modeler) et qui sera couronné d’un Oscar dès son premier court métrage: Closed Mondays. S’en suivra un engouement indéniable pour cette technique à la texture étrange, utilisée dans de nombreuses publicités ou clips. Suivant l’exemple, le studio anglais Aardman produisit dans un premier temps de nombreuses publicités et courts métrages d’animation, dont trois aventures désormais mythiques de Wallace et Gromit. Son réalisateur, Nick Park, s’offre le luxe de s’affranchir de nombreuses contraintes liées à la pesanteur de la technique et soudainement la caméra se libère pour devenir fluide et virevoltante, à l'image de n'importe quel film en prises de vue réelles.


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De son côté, ILM met au point pour L’Empire contre-attaque le go motion, un procédé permettant de reproduire le flou propre aux mouvements capturés par une caméra (auparavant chaque mouvement quelle que soit sa vitesse était net puisque capturé image par image). Le but étant, lorsque les quadripodes impériaux attaquent la base rebelle de Hoth, que leur intégration aux images filmées dans les paysages neigeux de la Finlande soit crédible. La technologie semblait peiner à pouvoir s’immiscer dans l’univers du fait à la main. Pourtant, avec L’Etrange Noël de M. Jack, le motion control investit le plateau miniature. Permettant de programmer la caméra et définir son emplacement très précisément alors que les animateurs déplacent les personnages, le motion-control permet un niveau supérieur de cinégénie pour les films en stop motion. Avec la sortie de Chicken Run, quelques touches de CGI viennent finaliser les cadres avec des flammes difficiles à animer image par image, ou bien des effets de particules comme la poussière. C’est ainsi que dans Les Noces funèbres de Tim Burton, l’ordinateur permet de polir un peu plus le visuel d’une œuvre baroque et enjouée. Laquelle fait d’ailleurs hommage – comme, avant elle, le Monstres & Cie du studio Pixar – à Harryhausen au travers d’un vieux piano à queue portant son nom. C’est ainsi que coup sur coup sortent en France deux films d’animation image par image: Les Noces funèbres et Wallace et Gromit: la malédiction du lapin-garou, prouvant si besoin en était qu’il existe un public toujours présent, réclamant sans cesse de nouvelles expériences visuelles et que la solution du tout en images de synthèse n’est pas nécessairement un idéal. Chaque auteur peut donc rêver sa technique indépendamment de son histoire.

Nicolas Plaire