Le premier à nous intéresser est bien sûr James Bond, de Ian Fleming, né en 1953 avec Casino Royale,dont les aventures se poursuivent encore de nos jours (certes via d’autres médias, l’auteur ayant trouvé la mort en 1964). Ian Fleming, fut lui aussi un ancien espion dont les activités étaient connues de son vivant. Pour autant, James Bond n’est pas une création proche de la réalité, mais plutôt un pur objet créatif, fiction associée à son époque et aux aspirations de celles-ci. James Bond parait tout d’abord en 1953, date clé dans l’histoire de l’espionnage britannique, puisqu’elle correspond aux révélations sur les trahisons au sein des services secrets anglais, initiées par Kim Philby. Les débuts de l’espion se voulaient tout d’abord crédibles, puis avec le succès naissant, Fleming écrivit des aventures plus fantaisistes, se délestant des échos de la réalité de l’époque pour épouser une cause plus patriotique ou répondant plus facilement aux attentes des lecteurs. L’Angleterre des années 50 est un empire en déclin, perdant ses colonies et ainsi son emprise sur le monde. Aussi le personnage de Bond devient une figure de ce post-colonialisme, son caractère conquérant compensant les rétrocessions britanniques : le héros incarne une « propagande positive », comme le définit Michael Woolf. Ainsi, dans les romans de Fleming, le comportement du héros, séducteur de femmes étrangères, n’est pas anodin, tout comme le style de l’auteur que de nombreux analystes décriront comme raciste, dénonçant la mise en supériorité de l’espion blanc sur ses opposants non anglais. Bond définit également une nouvelle figure de l’espionnage, nommée (comme nous le verrons) Super Spy, qualificatif symbole d’une période et que le succès de 007 viendra amplifier, du fait de ses multiples sosies romanesques et cinématographiques.

Pierre-Marc Gagnon

Extraits de Le Film d’espionnage, définition et évolution d’un genre