Saga La Planète des singes : la boucle était presque parfaite

Saga La Planète des singes : la boucle était presque parfaite

La Planète des singes : les origines (2011) augure-t-il la naissance d’une nouvelle saga ? Rendra-t-on à César, le chimpanzé surdoué, doté d’une sensibilité exacerbée, ce qui appartient à César, autrement dit une nouvelle terre d’élection ? Qu’adviendra-t-il des hommes dans cette nouvelle projection du futur ? Depuis les années 60, le roman froid et pessimiste de Pierre Boulle continue de hanter les esprits. Et même si aucun des films dérivés de son œuvre n’en est une adaptation pleinement fidèle, les différentes pistes explorées par les scénaristes successifs sont loin d’être aussi niaises et bêtifiantes qu’on ne le croit. De toute évidence, les films ont vieilli. A l’exception du chef-d’œuvre de Franklin J. Schaffner, dont la retenue et la partition dissonante de Jerry Goldsmith n’ont de cesse de fasciner, les multiples suites peinent à se hisser à un tel niveau et à imposer leur identité propre. En revanche, la plupart d’entre elles se laissent regarder avec beaucoup de plaisir – rendons hommage à la grille de programmes de feu LaCinq –. Encore aujourd’hui, malgré leur charme désuet (et c’est peu de le dire), elles font le bonheur des nuits blanches à spéculer sur l’avenir terrestre et la fin imminente des hommes.

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Avertissement : Cet article ne contient pas de spoilers directs sur le film culte de Franklin J. Schaffner (1968) ni celui de Tim Burton (2001). En revanche, il parle explicitement du dénouement des 4 films de la franchise tournés dans les années 70 : Le Secret de la planète des singes, Les Evadés de la planète des singes, La Conquête de la planète des singes et La Bataille de la planète des singes.

OU SONT LES HOMMES ?

3955. Sans nouvelles de Taylor et de son équipage, la NASA envoie une mission de secours. Seul survivant du crash, Brent se retrouve à son tour prisonnier de cette étrange planète gouvernée par les singes.

De loin le plus brouillon, le plus faible et le moins inspiré de la saga, Le Secret de la planète des singes (Ted Post, 1970) s’en tire par une étonnante pirouette nihiliste, censée condamner toute tentative de reprise de la franchise. Suite directe du premier film, cet épisode mirage n’est qu’une lente et douloureuse resucée des aventures de Taylor – sans Taylor. Bénéficiant d’un budget bien inférieur à celui de Schaffner, Ted Post réduit à néant les belles promesses de l’épilogue culte et se contente, pendant 1h35, de secouer un cadavre qui n’en demandait pas tant. Pendant les trois quarts du film, Post ne fait que tourner pieusement autour des fondations de son modèle. Les mêmes situations sont reproduites à l’identique (l’atterrissage raté, la découverte des singes, l’isolement, la rencontre avec Zira et Cornélius). Les mêmes personnages se croisent : Taylor lui-même, dans un rôle tragiquement inepte, Nova la compagne muette, réduite à sa simple fonction de mannequin hagard en peau de bête. Dans le rôle de Brent, James Franciscus, casté pour sa ressemblance avec Charlton Heston, ne fait que constater tristement les dégâts. Parce que la production l’implore de revenir pour légitimer cette suite, Heston revient. Mais à reculons, en posant deux conditions : que son personnage meure, et que cette mascarade ne lui prenne pas plus de deux semaines. Sacrifiant l’histoire de Taylor – qui devait initialement faire l’objet d’un développement écrit par Pierre Boulle lui-même –, les scénaristes se contentent d’un moignon d’intrigue, dans une ambiance totalement poisseuse et dépressive, en écho à la guerre froide. Dans une ville souterraine, Brent découvre que des humains mutants ont survécu aux radiations de la guerre atomique. Vêtus de costumes très pré-Soupe aux choux, les survivants s’adonnent à des séances de télépathie et vénèrent une ogive nucléaire… La problématique des singes semble bien loin. Jusqu’au-boutiste, le film nous fait pourtant la surprise (glaçante) de tout envoyer promener. La Terre explose. Adieu singes, adieu humains. Rideau noir.

QUI DE L’HOMME OU DU SINGE… ?

1973. Trois singes se sont échappés de leur planète avant qu’elle n’explose pour rejoindre la Terre, 4000 ans plus tôt. Ils viennent du futur. Zira, Cornélius et le Dr. Milo sont accueillis avec enthousiasme par les hommes. Mais très vite, les masques tombent...

Ne jamais sous-estimer la faculté des scénaristes à sortir un lapin du chapeau. Si Bobby Ewing a réussi à survivre dans Dallas et à effacer dans la foulée la mémoire de toute une saison, tout le monde peut survivre. Revenant aux sources du roman de Pierre Boulle, Les Evadés de la planète des singes (Don Taylor, 1971) remet les pendules à l’heure et s’engage sur la voie d’un nouveau feuilleton, qui sera complété par La Conquête de la planète des singes et trouvera sa conclusion dans La Bataille de la planète des singes. Malgré les restrictions budgétaires et un tour de passe-passe scénaristique pardonnable (comment les chimpanzés, issus d’une civilisation moins avancée, ont-ils bien pu réparer le vaisseau de Taylor ?), Les Evadés… n’a pas à rougir de sa forme, certes modeste, mais parfaitement soignée et rythmée. Don Taylor utilise à bon escient les maigres moyens mis à sa disposition. Le nombre des singes ayant été réduit à trois (puis rapidement à deux) et l’action étant contemporaine du tournage, John Chambers et son équipe de maquilleurs peuvent souffler. Il ne s’agit plus du film anxiogène de 1968 ni celui, paranoïaque et désespéré, de 1970. En resserrant l’intrigue autour des deux personnages les plus sympathiques de la série, Zira et Cornélius, le film prend un tournant ouvertement comique. Mais ce n’est qu’un leurre. L’idée du prologue, avec ces trois singes en tenue de cosmonautes, est superbe. Examinés par des vétérinaires, soumis à des tests d’intelligence, présentés à une commission d’enquête puis questionnés froidement, Zira et Cornélius revivent le calvaire de Taylor, avec tout l’humour et l’ironie qui les caractérisent. Sous le voile de la farce (séance de shopping, tournée médiatique, champagne à l’hôtel), cet épisode haletant dénonce la morgue des élites, l’ethnocentrisme, l’hypocrisie des médias et la cruauté des expérimentations animales. Taylor était misanthrope et cynique ; Zira et Cornélius se veulent porteurs de paix, même s’ils ne sont, au fond, que des messagers de la mort. L’humanité va s’éteindre et avec elle, sa civilisation et sa supériorité dérisoires. Venu du futur, le couple de chimpanzés choyés comme des célébrités, mais guère mieux traités que des animaux de foire, renvoie peu à peu le miroir d’une réalité insoutenable. Et s’ils disaient vrai ? Et si les hommes étaient voués à l'extinction ? Zira et Cornélius n’ont que le temps de se sauver avec leur bébé (la trame rappelle celle du livre, avec Ulysse Mérou et Nova), avant d’être abattus sèchement au nom de la raison d’Etat. Oscillant entre drame et comédie, Les Evadés de la planète de la singe reste l’un des volets les plus plaisants à (re)découvrir.

GLOIRE A CÉSAR

1991. Comme le prédisait Zira vingt ans plus tôt, chimpanzés, gorilles et orangs-outangs ont remplacé les traditionnels animaux de compagnie décimés par un virus, et sont exploités comme domestiques par les hommes. Mais la révolte gronde.

Le fils de Zira et Cornélius est vivant. Bien sûr, le cliffhanger des Evadés de la planète des singes appelait ouvertement une suite. C’est donc ce même petit Milo, rebaptisé César, élevé dans un cirque et ayant développé des facultés mentales hors du commun pour un chimpanzé, qu’on retrouve dans La Conquête de la planète des singes (J. Lee Thompson, 1972). Doué de la parole, il est contraint de cacher ses talents innés pour ne pas éveiller les soupçons. Car le semblant de candeur et d’altruisme qui régnait dans les années 70 a laissé la place à un État violent et totalitaire. Le pays est désormais aux mains d’une milice oppressive qui dicte sa loi et étrangle tout mouvement de contestation. A la suite d’une épidémie (venue de l’espace, et donc de Zira et Cornélius ?), chats et chiens ont péri. Inconsolables, les hommes ont jeté leur dévolu sur les singes pour les transformer en animaux de compagnie améliorés, en serviteurs ou en domestiques. Tous doivent se soumettre à un entraînement tyrannique et frénétique, où le "non" est devenu le principal mot d’ordre. Non les singes n’ont aucun droit, non ils ne sont rien moins que des esclaves. Les récalcitrants sont torturés ou tués. Grande source d’inspiration de la version cinéma de 2011, La Conquête… prend le parti d’une noirceur assez radicale. Ne pouvant s’appuyer sur un budget confortable (c’est l’épisode le plus fauché de la saga), la mise en scène, sèche et frontale, ne s’embarrasse d’aucune fioriture. Le ton est solennel et abrupt. Quand César appelle à la révolte de ses semblables, c’est d’un simple regard. Et même si l’épilogue a été adouci par rapport au montage initial qui prévoyait le lynchage d’un humain, ce soulèvement frappe par son âpreté. Les émeutes, ce sont aussi celles des minorités qui se battent pour leurs droits civiques, des plus faibles asservis à une société injuste. César est le porte-parole des opprimés. Même si le film pêche par de nombreuses maladresses, son discours politique reste lui pertinent. On se souvient du réquisitoire de l’orang-outang Zaius (La Planète des singes, 1968) contre l’homme, cet être médiocre tantôt misanthrope (comme Taylor), tantôt lâche ou cupide, et surtout prêt à tuer ses semblables (les guerres, la bombe atomique). Ce "non" à l’arrogance humaine résonne d’autant plus fort dans La Planète des singes : les origines (2011), quand César, poussé à bout, élève la voix contre ses geôliers.

LE DÉBUT DE LA FIN

2003. Une guerre nucléaire a ravagé la Terre. Douze ans après la révolte des singes, César se retrouve à la tête d'un village de survivants, où cohabitent humains et singes. Au sein de cette communauté inégalitaire, les tensions vont grandissantes. Par ailleurs, une colonie d’humains prépare l’attaque du village…

Là où on aurait pu s’attendre à une nouvelle descente aux Enfers, La Bataille de la planète des singes (J. Lee Thompson, 1973) rompt avec le fatalisme de la saga. La boucle temporelle rencontre un accroc. Zira et Cornélius s’étant échappés du futur pour parasiter (et réécrire) le présent, le cours de l’histoire a changé. Dans son récit sur l’avènement des singes (Les Evadés de la planète des singes), Cornélius parlait de la rebellion d’un certain Aldo. C’est prétendument Aldo qui a, le premier, osé répondre "non" aux humains et ainsi provoqué la révolte de ses semblables. Or ce rôle a finalement échu à César, le propre fils de Cornélius. Aldo le gorille belliqueux en faveur de l’extermination des hommes, existe toujours dans cette réalité alternative, mais c’est la sagesse de César, soucieux de réconcilier les deux peuples, qui finit par l’emporter. Nouveau visage de la paix, César remplace le Grand Législateur évoqué dans les deux premiers films. L’homme n’est donc pas voué au déclin. Les événements de La Planète des singes – celle de 1968 – tels qu’on les connaît, n’auront pas fatalement lieu. Anti-spectaculaire et une nouvelle fois miné par un budget rachitique, La Bataille… s’attarde longuement sur le dilemme de César, méfiant à l’égard des hommes mais porté par les valeurs pacifiques transmises par ses parents et son père adoptif (Armando, l’homme de cirque qui l’a recueilli). L’intrigue toute entière repose sur cet équilibre fragile qui menace à tout moment de s’effondrer. César répète à qui veut l’entendre qu’"un singe ne tue pas un singe", mais lorsqu’Aldo tue son fils, cette règle vole vite en éclats. Le singe ne vaut-il pas mieux qu’un homme ? Le singe serait donc un homme comme un autre ? On restera magnanime quant à la vraisemblance de l’action et à la logique de la chronologie. Comment diable César et les siens ont pu survivre à la guerre atomique dans un petit patelin qui semble situé à deux pas de l’ancien New York ? Par quel prodige tous les singes ont-il appris à parler en l’espace de douze ans, même avec le dévouement des hommes ? Fait d’autant plus étonnant quand on sait que les singes comptent parmi eux d’éminents savants. Cet épisode final pourrait être perçu comme le film du consensus mou ou celui de la tranquille dégénérescence de la franchise. Visionné seul, il ne présente aucun intérêt particulier. C’est à la lumière de tous les chapitres qu’il prend tout son sens. Et cette dernière rupture de ton donne à la saga une nouvelle ampleur. Acteur emblématique de cette épopée spatio-temporelle, Roddy McDowall incarne à la fois Cornélius et César. Si les films éveillent toujours la curiosité et résistent vaillamment à l’oubli, c’est aussi en grande partie grâce à son personnage et à son interprétation. La franchise lui doit beaucoup.

par Danielle Chou

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