Nos 10 films crypto-homos

Nos 10 films crypto-homos

Reservoir Dogs, Collateral, Edward aux mains d’argent : dans son Parcours secret de l’homosexualité au cinéma, Jean Douchet s’est amusé à décortiquer à la loupe crypto-gay des titres pas forcément évidents. A l’occasion des différentes Marches des Fiertés de ce début d'été, nous vous proposons une sélection ludique de longs métrages crypto-homos dont les enjeux ne sont, en surface, pas spécialement concernés par les thématiques LGBT. Pourtant, du fameux monologue de Tarantino au sujet de Top Gun en passant par la vanne de Robert Englund adressée au réalisateur de La Revanche de Freddy, certains films ont de toute évidence plus d’un sens…

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Le Magicien d’Oz, Victor Fleming (1939)

Le sujet officiel : Dorothy, jeune orpheline, vit chez son oncle et sa tante. Tout irait pour le mieux si l'institutrice ne détestait pas son chien. C'est alors que Dorothy fait un rêve où elle se trouve transportée au royaume magique des Munchkins...

Le film passé au laser crypto-homo : Crypto, Le Magicien d’Oz ? Certes, le classique semble avoir été directement tourné sur de la pellicule arc en ciel, et la face du monde camp ne serait sans doute pas la même sans son intarissable influence. Mais l’aspect queer du film va plus loin que la simple addition Judy Garland qui minaude en robe + chansons aux chorégraphies kitsch + sorcière badass. Si le film a rencontré un tel écho dans la communauté LGBT, c’est avant tout parce que l’histoire de Dorothy c’est la mienne, la vôtre et celle de tous les jeunes queer: celle d’un bon gros coming out des familles. Ne trouvant pas sa place dans un univers redneck étriqué et trop noir et blanc, Dorothy commence son parcours tremblotante comme Porcinet (on y reviendra). Il lui faudra du courage (le lion), de l’intelligence (l’épouvantail) et du cœur (l’homme de fer blanc) pour trouver le chemin d’Oz, monde tout en couleurs où elle réalisera que c’est en elle-même que se trouvait la clef de son épanouissement personnel depuis le début, que les magiciens n’existent pas et qu’elle peut avant tout compter sur ses amis, tous aussi imparfaits qu’elle. Là où son chemin diverge des nôtres, c’est que nous sommes tous très jaloux des chaussures rouges moirées qu’elle reçoit en guise de récompense. Nous n’avons pas de souvenir qu’une fée volante soit venue nous en apporter une paire lors de notre coming out. Pendant ce temps, le lion continue de chanter « It’s sad, believe me missy, when you’re born to be a sissy »...

Les Diaboliques, Henri-Georges Clouzot (1954)

Le sujet officiel : Dans une institution destinée à l'éducation des jeunes garçons, Christina et Nicole, respectivement épouse et maîtresse du directeur Michel Delasalle, s'associent afin d'assassiner l'homme qu'elles ont fini par haïr. Mais quelques jours après leur méfait, le corps de Michel disparaît...

Le film passé au laser crypto-homo : La magie du crypto-lesbianisme de ces Diaboliques est que son indéniable trouble saphique se cache sous des apparences aussi hétéros qu’une promenade dominicale dans les Hauts-de-Seine. Un homme et sa maitresse s’associent pour se débarrasser de l’épouse du premier. Mouais, ça c’est que le film et sa révélation finale voudraient nous faire croire. Mais ce qu’il nous donne à voir entre temps est tout autre en réalité : ce sont bien deux femmes qui mêlent leurs forces pour se débarrasser d’un homme trop encombrant, frein à leur épanouissement mutuel. La sensualité flamboyante de Signoret déteint sur ce couple blonde/brune, son personnage de manipulatrice séductrice s’emparant à coup de « ma chérie » et de gestes cajoleurs de la chétive Vera Clouzot, toute disposée à se laisser faire. Clairement, ces deux femmes partagent une intimité bien supérieure à celle que leur promet l’homme qu’elles convoitent. Les spectateurs attentifs noteront d’ailleurs que lorsque les deux héroïnes s’enfuient à Niort, elles partagent la même chambre... et carrément le même lit. Dans un genre similaire : voir La Cérémonie, où Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire, intimement unies par un secret meurtrier, souillent le lit conjugal de leurs patrons hétéros et dégomment joyeusement la cellule familiale classique en balançant à une jeune fille enceinte « c’est pas moi la salope, c’est vous ».

Céline et Julie vont en bateau, Jacques Rivette (1974)

Le sujet officiel : Julie, sage bibliothécaire rangée, rencontre Celine, magicienne un rien mythomane qui va l'entrainer dans un monde d'aventures…

Le film passé au laser crypto-homo : Signe distinctif des chefs d’œuvres : il y a 1001 manière d’interpréter le film culte de Jacques Rivette : fable théorique sur la création artistique, sur le féminisme, sur le Nouveau Roman, sur la Nouvelle Vague... L’interprétation lesbienne n’est pas forcément la plus répandue, et c’est pourtant l’une des plus évidentes et passionnantes. Suite à un eye contact dans un square, Céline et Julie se courent littéralement après dans les rues de Montmartre, et se tournent autour pendant une bonne partie du film. Quand Céline atterrit pour la première fois chez Julie comme par magie, celle-ci lui installe directement ses affaires dans son placard, lui faisant clairement comprendre qu’elle veut la voir rester. Les deux jeunes femmes se créent un monde imaginaire avec leurs propres règles, loin des hommes (elles ridiculisent leurs prétendants potentiels), se concoctent des philtres (d’amour ?), partagent leur imagination et apparemment le même lit (elles prennent même leur petit déjeuner au lit ces veinardes). Cerise radicale sur le gâteau subversif : elles finissent par soustraire joyeusement une fillette à une famille nucléaire classique et néfaste, pour l’emmener vivre avec elles dans un fantasme de famille recomposée 100% féminine. Des années plus tard, Céline et Julie… influencera un autre film crypto-crypto-gay avec Recherche Susan désespérément, puis un film plus crypto du tout avec Mulholland Drive. Tout est lié.

La Revanche de Freddy, Jack Sholder (1986)

Le sujet officiel : Jesse vient d’emménager à Elm Street et est rapidement possédé, dans ses cauchemars, par le croquemitaine Freddy...

Le film passé au laser crypto-homo : « Fred Krueger! He's inside me, and he wants to take me again ! », hurle le pauvre Jesse. Il ne suffit pas qu’un personnage se sente possédé pour que le film soit crypto-gay, mais il est quasiment impossible aujourd’hui de voir La Revanche de Freddy sans ce (relatif) sous-texte dans un coin de l’esprit. Jesse, qui quelques minutes avant se retrouvait cul nu sur le terrain de sport après qu’on lui ait tiré le jogging, supplie son ami, un éphèbe au torse affuté, d’accepter de partager son lit avec lui. Il est terrorisé à l’idée de s’endormir et craint que Freddy le « prenne » dans ses cauchemars. Lorsqu’on rêve dans La Revanche de Freddy, on est projeté dans un bar cuir où l’on pourrait croiser le Al Pacino de Cruising. Lorsqu’on meurt, on se retrouve comme ce prof, les fesses fouettées sous les douches dans une mise en scène de fantasme SM gay. Jesse, lui, laisse sa copine en plan par terre : ce n’est certainement pas avec elle qu’il couchera. Elle a néanmoins de la chance, puisque c’est le seul épisode de la saga où Freddy ne tue… que des hommes. Jack Sholder, le réalisateur, a confié ne pas avoir eu l’impression de filmer quoi que ce soit de gay dans son film. Il était le seul à le penser, a répondu avec malice Robert Englund, interprète immortel de Freddy.

Top Gun, Tony Scott (1986)

Le sujet officiel : Les aventures d’un jeune pilote de l’aéronavale qui tombe notamment sous le charme de sa supérieure…

Le film passé au laser crypto-homo : « Fuck boy meets girl ! » Top Gun est probablement l’un des films les plus crypto-gays de tous les temps. La faute, entre autres, à Tarantino, et à son long monologue expliquant en quoi, derrière la plate intrigue hétéro, se cache un film sur l’acceptation de sa propre homosexualité. On ne parle pas simplement de la forte esthétique homo-érotique de certaines scènes, comme évidemment la séquence culte de volley à muscles taillés, huilés, et à camaraderie virile parodique ou aux scènes de vestiaire à cul cambré quand surgit le boss. Un sous-texte au sous-texte est apporté par les rumeurs sur la sexualité de Tom Cruise, ainsi que le fait que son « amoureuse » dans le film soit jouée par une Kelly McGillis ayant depuis fait son coming out. Il y a aussi la tension sexuelle entre les personnages masculins qui fait parfois l’objet d’une blague (« This gives me a hard on » dit l’un des héros – « Don’t tease me » lui répond son camarade) tandis que Charlie (Kelly McGillis) se déguise « en homme » au lendemain de son échec amoureux avec Maverick (Tom Cruise). Pour reconquérir celui-ci ? Le dernier échange entre Iceman (Val Kilmer) et Maverick ne devrait guère lui laisser d’espoir : « You can be my wingman any time » dit Kilmer, la voix remplie d’émotion. « Bullshit ! You can be mine ! » lui répond un Cruise enfin libéré. Dans un registre similaire, la danse des corps virils de Point Break

Conte de printemps, Eric Rohmer (1990)

Le sujet officiel : Lors d’une soirée, la jeune et sage Natacha fait la connaissance de Jeanne, une jeune professeure de philosophie. Elle va chercher à pousser cette dernière dans les bras de son père.

Le film passé au laser crypto-homo : Contrairement à ce que voudrait le cliché de sa réputation hétéro-coincée, la sexualité n’est pas niée dans les films de Rohmer. Elle est juste gardée hors-champ (bon ok, bien hors-champ). L’homosexualité idem. Pourtant, ce Conte de printemps réserve plus d’une surprise à qui sait ouvrir l’œil. Cette gentille manipulation amoureuse ne cache qu’à moitié les obsessions suspectes de ses deux personnages féminins. Jeanne, garçonne sans engagement familial, accepte de venir vivre du jour au lendemain chez cette jeune fille qu’elle connait à peine (ben tiens). L’unique désir de Natacha est de faire naitre une romance entre son père et Jeanne, bien qu’aucun d’entre eux ne semble particulièrement motivé (re-tiens tiens). Engoncées (refoulées ?) dans leurs non-dits jusqu’à la mauvaise foi (« Je n’ai agi que par fidélité envers la logique » deviendra votre nouvelle excuse préférée), Natacha et Jeanne s'engueulent pour des futilités comme un jeune couple, et font semblant de croire à cette liaison hétéro vécue comme un jeu de rôle dont personne n’est dupe. Avec cette manœuvre maniaco-amoureuse entre deux filles fragiles et parfois complètement larguées, Rohmer a fait preuve d’une ironie assez surprenante et... plutôt ludique. C’était d’ailleurs son film préféré. Il n’y a décidément plus de saison.

Beignets de tomates vertes, Jon Avnet (1992)

Le sujet officiel : De nos jours, en Alabama. Evelyn Couch, femme au foyer, mène une existence monotone jusqu'à ce qu'elle rencontre Ninny Threadgood, une vieille dame extraordinaire, qui va lui redonner goût à la vie. Celle-ci lui raconte sa jeunesse, 60 ans plus tôt, et l'amitié entre deux femmes : Idgie, forte tête, véritable garçon manqué, et Ruth, douce et remarquable cuisinière…

Le film passé au laser crypto-homo : L’adaptation cinématographique de Beignets de tomates vertes a eu beau considérablement atténuer tout indice d’homosexualité entre ses deux héroïnes par rapport au roman d’origine, il reste largement assez de traces dans le film de Jon Avnet pour une lecture crypto-lesbienne. Lorsqu’Idgie et Ruth se tartinent de nourriture à quatre pattes dans leur cuisine, on peut lever un sourcil. Quand Idgie s’habille en homme avec cravate et bretelles à papa pour aller faire une partie de poker, le travestissement n’a plus rien de crypto-camp. Quand Ruth reste béate d’admiration face à Idgie bravant un essaim d’abeilles pour y chercher du miel à mains nues tel un ours mal léché, il n’y a plus de place pour le doute. Pourtant, rien ne sera jamais explicitement dit sur la nature de la relation fusionnelle entre les deux femmes. A postériori, Il est très ironique d’observer le succès très grand public, à l’époque, d’une telle histoire. Après tout Beignets de tomates vertes feint de débuter comme la parfaite romance hétéro attendue pour mieux écrabouiller dès les premières minutes un personnage mâle idéal à gros coup de locomotive, le tout sous les yeux horrifiés des deux jeunes filles, qui ne tarderont pas à se consoler dans les bras l’une de l’autre.

Alien la résurrection, Jean-Pierre Jeunet (1997)

Le sujet officiel : Deux cents ans après la mort de l'officier Ripley, une équipe de généticiens ressuscite la jeune femme en croisant son ADN avec celui d'un Alien. Parmi l'équipage composé de brutes et de mercenaires, Ripley découvre une belle jeune femme, Call, avec laquelle elle ne tarde pas à se lier d'amitié.

Le film passé au laser crypto-homo : Botteuse de culs d’aliens en petite culotte dès l’épisode 1, maman par procuration armée jusqu’aux dents dans l’épisode 2, plus virile que toute une prison d’hommes réunie dans le 3e, Ellen Ripley est à elle toute seule une indéniable icône lesbienne. Mais l’épisode 4, du pourtant pas tres queer Jean-Pierre Jeunet, enfonce le clou. L’intérêt de Jeunet pour les corps hors normes donne un sous-texte (involontairement ?) lesbien à la manière dont le clone mi-femme mi-alien (Ripley) tourne autour du cyborg (Ryder) à coup de caresses sauvages et de regards profonds. Pourtant pas réputée pour son altruisme (il faut dire que personne ne l’écoute depuis le début de la saga), Ripley version 4 s’entiche de Call/Winona, allant même jusqu’à la sauver in extremis tout en lui balançant un « are you programmed to be an asshole ? » dans la face. C’est l’amour vache. La saga Alien se termine donc sur une image subversive : les deux femmes revenant seules vers la Terre, nous laissant songeurs quant à leur avenir et le repeuplement de notre planète. Quand on sait que cet épisode a été écrit par l’un des auteurs des séries cultes et camp Roseanne et Buffy, ça ne nous étonne plus beaucoup…

Jeepers Creepers, Victor Salva (2001)

Le sujet officiel : Un frère et une sœur rentrent chez leurs parents pour les vacances. Leur route va croiser celle d’une créature monstrueuse…

Le film passé au laser crypto-homo : « Gay Forever », indique l’une des plaques d’immatriculation que les deux héros de Jeepers Creepers croisent en voiture, au bout de quelques minutes de film. Un indice parfaitement anodin pense t-on, ça n’est d’ailleurs rien qu’une blague sur la longue route parcourue. Mais les choses ne sont pas là par hasard. Le croquemitaine de Victor Salva a beau tuer hommes et femmes, il semble davantage attiré par les jeunes mecs séduisants. Il renifle les sous vêtements de Darry mais ne touche pas à ceux de Patricia. Lorsqu’il tue un flic, il roule ensuite à sa tête décapitée un patin extraordinaire. Et lorsqu’on demande au monstre de choisir entre le frère et la sœur, son choix est vite fait. Au cas où ça ne serait pas assez clair, l’épisode 2 vire carrément camp, avec son Creeper qui attaque des joueurs de foot torses nus et fait des clins d’œil enjôleurs à ses préférés. Une variation plus légère mais le sombre sous-texte est là : Jeepers Creepers, avec son monstre obsédé par les jeunes hommes, est un portrait en creux de son auteur, Victor Salva, condamné il y a 25 ans pour avoir abusé d’un de ses jeunes acteurs.

Les Aventures de Porcinet, Francis Glebas (2002)

Le sujet officiel : Porcinet se sent rejeté par ses amis et n’a plus confiance en lui. Il décide de quitter la forêt des rêves bleus, mais Winnie et ses comparses vont partir à sa recherche

Le film passé au laser crypto-homo : Pas mal de Disney ont été passés au laser crypto-gay, mais peu d’entre eux passent aussi aisément le test que Les Aventures de Porcinet. Avec ce petit héros qui ne quittera jamais son justaucorps rose moulant refilé ensuite à Madonna pour le clip de Hung Up (probablement la chanson préférée de Porci pour bouger son body), Les Aventures de Porcinet est un récit d’initiation gay. Porcinet est un homo honteux qui peine à articuler deux mots sur son malheur. Bourriquet, vieux gay dépressif et impuissant, poireaute les fesses en l’air près de la rivière, spot chaud cacao de la Forêt des rêves bleus. Petit Gourou a tout du jeune mignon à déflorer tandis que sa mère célibataire et surprotectrice ne pense qu’à garder son éternel enfant dans sa poche (voilà là le résultat). Restent Coco Lapin la grande folle à oreilles décoiffées, Maître Hibou le professeur de jeunes pousses dans sa cabane en haut de l’arbre, ce gros gourmand de Winnie qui n’a en tête que de s’enduire de miel pour satisfaire ses pulsions, ou encore Tigrou, la virilité triomphante, précédé par sa rumeur : on dit qu’il peut même rebondir dessus… Le message de cette galerie de portraits : pas de quoi avoir peur de l’homosexualité, tout le monde finit dans les bras de chacun. Toujours chez Disney, voir Rox et Rouky remake zoo-gay de Roméo et Juliette.

Dossier réalisé par Nicolas Bardot et Gregory Coutaut

par Nicolas Bardot

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