La saga Star Trek

La saga Star Trek

Réconcilier Star Trek et le cinéma était un défi : le film de J.J. Abrams a dix prédécesseurs, pas moins. Certains sont d'illustres ancêtres, d'autres des rejetons que l'on préfère oublier. Mais tous ont leur intérêt, et les voici décryptés pour vous, de 1979 à 2002.

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STAR TREK : LE FILM

Star Trek : The Motion Picture - 1979
De Robert Wise
Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley, Stephen Collins

Dès 1968, Gene Rodenberry envisage une version cinématographique de Star Trek, qui raconterait la formation du célèbre équipage de l'Enterprise (une histoire que nous ne découvrons qu'aujourd'hui, en 2009). Le projet erre pendant dix ans, impliquant Harlan Ellison, Ray Bradbury, Theodore Sturgeon, flirtant avec différents mythes et plusieurs thèmes de science-fiction. Quand il sort enfin en décembre 1979, Star Trek : Le Film n'a donc plus grand chose à voir avec cette série télévisée colorée, vivace, érigée en culte par des téléspectateurs. C'est un film ambitieux, qui a conscience de son aura. Il veut être un grand film de science-fiction, renvoyant directement à 2001 : L'Odyssée de l'espace (et non à Star Wars). Plus de métaphysique, moins d'humour, plus de réflexion, moins d'aventure : de ce point de vue, c'est une réussite. Star Trek : Le Film est un trip authentique, classieux, qui propose une histoire de qualité, servi par des techniciens (Douglas Trumbull, John Dykstra, Ralph McQuarrie) et un réalisateur (Robert Wise) des plus doués. Par ses visions cosmiques du mystérieux V'ger, l'énigme de ce nuage destructeur avançant vers la Terre, l'adaptation parvient à hypnotiser, à captiver jusqu'à son dénouement. Mais elle se mérite, car il faut se laisser porter pendant deux heures par un film sérieux et solennel. Ce faisant, le film de Robert Wise néglige son identité originale : transformé en expérience de luxe, il oublie d'être une aventure populaire, cette raison précise qui a fondé le culte Star Trek. C'est un film sans humour qui transcende les ambitions philosophiques de la série originale, mais oublie qu'elle n'était pas que ça. Non, Star Trek n'est pas seulement chiant, c'est aussi drôle. Malheureusement, ce premier épisode n'infirmera pas ce préjugé réfractaire. Il reste cependant un excellent film de science-fiction, porté par des visions spatiales magnifiques, et les compositions fondatrices de Jerry Goldsmith.

Benjamin Hart

STAR TREK II - LA COLERE DE KHAN

Star Trek : The Wrath of Khan - 1982
De Nicholas Meyer
Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley, Ricardo Montalban

Au sein des cercles cinéphiles, même les spectateurs les moins familiers avec la création de Gene Roddenberry connaissent la règle des chiffres pairs qui régit la saga. Seulement, quelle raison cosmique peut agir de la sorte sur une franchise, faisant des épisodes 2, 4, 6 et 8 (le dixième viendra casser cette règle) les meilleurs de la série? En réalité, aucune énigme fantastique ne se cache derrière cette binarité somme toute assez logique - ce qui ne déplairait pas à notre Vulcain favori - étant donné qu'un même scénariste est impliqué dans trois de ces réussites. A l'exception de Star Trek : Premier Contact et Star Trek : Nemesis, les deux films pairs de "la nouvelle génération", les chapitres susmentionnés ont tous été écrits par Nicholas Meyer. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, Meyer était étranger à l'univers, et pourtant il aura su, à lui seul ou presque, extraire la licence de sa relative pauvreté formelle. Avec un budget pourtant inférieur à celui du premier film, il propose un ouvrage autrement moins cheap en apparence, à commencer par les costumes par exemple mais également au niveau de l'action. Cela dit, c'est avant tout d'un point de vue thématique, en s'octroyant nombre de référants, citant Shakespeare et Moby Dick, faisant de Starfleet un monde militaro-naval, que Meyer confère une certaine classe à son oeuvre. L'auteur a également compris mieux que Wise que la série tenait à ses personnages, en particulier le trio formé par Kirk, Spock et McCoy. A ce titre, leurs échanges se font vraiment touchants, qu'il s'agisse des dialogues de héros vieillissants entre Kirk et McCoy ou les joutes entre ce dernier et Spock, et surtout, évidemment, la dernière scène (et tout le dernier acte, épilogue inclus) entre William Shatner et Leonard Nimoy. L'ensemble sonne très juste. Soudain, il y a des protagonistes derrière ces pyjamas. Avec ce deuxième opus, et son méchant inoubliable, Meyer donne ses lettres de noblesse à Star Trek à travers un film considéré encore aujourd'hui comme le meilleur de la série.

Robert Hospyan

STAR TREK III - A LA RECHERCHE DE SPOCK

Star Trek III : The Search for Spock - 1984
De Leonard Nimoy
Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley, Christopher Lloyd

Suite à la popularité de Star Trek : La Colère de Khan, la Paramount, mais surtout Leonard Nimoy (initialement lassé, il avait demandé la mort de son personnage dans le précédent film), étaient prêts pour une nouvelle aventure. Estimant que Spock ne devrait pas revenir à la vie, Nicholas Meyer préféra s'abstenir. Malheureusement, cela sonna le glas du film qui retomba alors dans le piège du scénario de série télévisée avec, une fois de plus, une intrigue mineure, malgré ce titre plein de promesses. En gros, Star Trek III : A la recherche de Spock ressemble à ce qu'aurait donné les 20 premières minutes du Retour du Jedi (où les héros partent chercher Han Solo) étirées sur deux heures. D'ailleurs, le film de Richard Marquand est passé par là et cette fois-ci, l'influence de la saga de George Lucas se fait nettement ressentir, au niveau des détails notamment. Ainsi voit-on une séquence renvoyant directement à la Cantina ou bien un animal de compagnie pour le méchant, évoquant celui de Jabba. Cela dit, le film en profite également pour mettre les Klingons, destinés à devenir l'une des races extra-terrestres les plus célèbres de la saga, sur le devant de la scène. Et c'est ce genre d'exploration de l'univers que l'on aurait aimé voir davantage développé dans ce troisième volet qui effleure seulement tout ce qui a trait à la mythologie vulcaine par exemple alors que le film voit la croissance accélérée d'un Spock ressuscité. Au lieu de ça, les carences du scénario sont comblées par des "starwarseries" infantiles. Reste un monde qui s'étend un peu plus et, toujours, notre cher trio de personnages en tête.

Robert Hospyan

STAR TREK IV : RETOUR SUR TERRE

Star Trek IV: The Voyage Home - 1986
De Leonard Nimoy
Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForrest Kelley

A l’heure où vous lirez ces lignes, l’information suivante sera sans doute fausse car jusqu’à la sortie du film d’Abrams, Star Trek IV aura longtemps été le plus gros succès de la saga avec plus de 100M$ de recettes engrangées aux Etats-Unis. La raison en revient à un scénario iconoclaste qui voit l’équipage de l’Enterprise revenir en 1986 pour récupérer des baleines à bosse, seul espoir de l’humanité dans le futur. Leonard Nimoy y réalisait son deuxième et dernier Star Trek, après le plutôt médiocre The Search for Spock, et avait décidé d’insuffler au film un esprit bon enfant. Les aventures spatiales de Kirk et compagnie y deviennent donc des (més)aventures comiques basées sur leur décalage temporel. Le film, qui est de fait inclus dans la règle des pairs/impairs de la saga, divise pourtant certains fans, qui lui reprochent son ton par trop comique. A ce titre, ce n’est pas le film de science-fiction le plus prenant jamais réalisé, mais pour le profane, c’est une introduction assez amusante aux personnages et à leurs relations. Et c’est d’ailleurs, à l’exception d’un phaseur qui sert à faire fondre une serrure et un harpon de baleinier qui rate sa cible, le seul film de la saga où aucune arme n’est tirée… Idéal, donc, pour les allergiques aux geekeries.

Liam Engle

STAR TREK V : L'ULTIME FRONTIERE

Star Trek V : The Final Frontier - 1989
De William Shatner
Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley, Laurence Luckinbill

Leonard Nimoy mourrait dans Star Trek II et ressuscitait dans le III, qu'il réalisait, avec sa suite. Avec Star Trek V, il était temps que l'équilibre Shatner / Nimoy soit rétabli, au risque d'essuyer une tempête d'ego. Cette rivalité (très justement parodiée dans Galaxy Quest de Dean Parisot) était-elle réelle ? Shatner plaisante-t-il vraiment dans les bonus des éditions DVD collectors ? Quoi qu'il en soit, il saisit les rênes de ce cinquième épisode, qui revient quelque peu aux ambitions métaphysiques du premier film. Pour son plus grand malheur, diront certains. Car ce cinquième film est aussi celui qui a la plus mauvaise réputation : histoire ridicule, réalisation médiocre, etc. Or ça n'est pas du tout fondé. La grande réussite de Star Trek V est de suivre principalement Kirk, Spock et McCoy, qui ont toujours été les trois personnages principaux de la série. Mc Coy est la conscience de Kirk, Kirk est l'ami de Spock, Spock est l'antagoniste de Mc Coy. De cette trinité originale découlent l'humour et les enjeux de ce cinquième épisode. Le film de Shatner ne néglige jamais ses personnages, donc la véritable intrigue, qui n'est pas tant "Sha Kha Ree" que leur évolution tout au long du film. Leur amitié et leurs philosophies différentes vont être mises à l'épreuve par le mystique Sybok, et sa quête du divin. On ne s'est jamais senti aussi proche d'eux que dans cet épisode. Il faut reconnaître à Shatner une qualité certaine de réalisation dans ces scènes intimes. Il y a quelque chose de profondément sincère dans ses essais, qui sont plus qu'honorables, jamais en deçà des deux réalisations de Leonard Nimoy. Au final, Star Trek V est plus crédible en drame intimiste qu'en film d'aventure, et c'est probablement ce qui a déplu (et déplait encore) aux fans. Ils devraient pourtant oublier leurs mauvais souvenirs, pour réévaluer cet épisode à sa juste valeur. Assurément le plus sous-estimé des épisodes.

Benjamin Hart

STAR TREK VI : TERRE INCONNUE

Star Trek VI : The Undiscovered Country - 1991
De Nicholas Meyer
Avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley, Glen Plummer

L'Américain Nicholas Meyer est impliqué dans les trois meilleurs Star Trek : La Colère de Khan, Retour sur Terre, et la dernière aventure cinématographique de l'équipe originale, Terre Inconnue. Après avoir tué Spock et transporté l'équipage dans le temps sur notre Terre contemporaine, Meyer va transposer la chute du rideau de fer Est / Ouest dans l'univers Star Trek, sur une suggestion de Leonard Nimoy. Les Klingons sont forcés de rétablir des relations diplomatiques avec la Fédération des Planètes, suite à la destruction de leur principale source d'énergie. Ce qui frappe avant tout dans ce sixième épisode, c'est la qualité de l'écriture. Meyer l'homme de lettres est bel et bien de retour et ça se sent. Outre cette intrigue géopolitique, le réalisateur/scénariste va nourrir le film de ses connaissances littéraires, en faisant réciter au méchant du film, le Général Chang, des phrases de Shakespeare et d'Herman Melville. Terre inconnue resplendit d'une aura dramatique que l'on n'avait pas vue depuis La Colère de Khan, justement. Non content de sublimer Star Trek avec le théâtre élisabéthain et de l'actualiser avec la situation politique de la fin des années 80, Meyer propose aussi une enquête policière influencée par sa connaissance... de Sherlock Holmes (Spock sous-entend, sans le nommer, que le célèbre détective anglais est l'un de ses ancêtres). Et tout ceci sans jamais perdre de vue une intrigue pourtant complexe, avec tous ses personnages, ses héros séparés, ses meurtriers qui patientent, cachés. Star Trek VI est d'une richesse et d'une intelligence rares, et fait un formidable blockbuster, dans un univers qui le mérite. C'est aussi un bel adieu aux acteurs d'origine, qui ne seront plus jamais réunis à l'écran. Mais quelle est la dernière direction donnée par James T. Kirk la fin du film ? "Deuxième étoile à gauche, et tout droit jusqu'au matin" : le Pays Imaginaire de Peter Pan.

Benjamin Hart

STAR TREK : GÉNÉRATIONS

Star Trek: Generation - 1994
De David Carson
Avec Patrick Stewart, Jonathan Frakes, Brent Spinner, LeVar Burton, Michael Dorn

Fort d’une réussite s’élevant aux environs de 97 millions de dollars de recettes mondiales, Star Trek VI : Terre inconnue confirme une nouvelle fois le succès de la franchise à travers le globe, surtout pour une saga s’adressant quand même à un nombre certain d’initiés. Problème : l’équipage principal se fait de plus en plus vieux, et les comédiens principaux commencent à rejeter l’idée d’un septième et nouveau film. Alors comment faire perdurer la création de Gene Roddenberry ? Tout simplement en opérant le passage de relais avec la seconde équipe, qui connaît sa dernière saison télévisuelle en cette année 94. Et hop, d’une pierre deux coups : on clôt la saga cinématographique de Kirk, Scotty et McCoy (les autres interprètes ayant finalement décliné l’invitation) et on ouvre celle de Picard en même temps qu’on la termine dans la petite lucarne. Astucieux non ? Et même si les Trekkies étaient rodés à l'équipage du capitaine français depuis quelques années, il fallait au moins ça pour rassembler les moins affranchis.

Du coup, les scénaristes Braga et Moore nous ont concocté un petit script sur le temps qui passe afin d’opérer le passage de flambeau tout en douceur (trop en douceur diront certains), le tout orchestré par un David Carson déjà réalisateur de nombreux épisodes de la série Nouvelle génération. Avec son Nexus, sombre ruban énergétique apportant son monde idéal de rêves et de vies fantasmées, mais complètement irréelles, pour la recherche d’un bonheur sous édulcorant, Star Trek : Générations pourrait être perçu comme un écho au cinquième opus de la saga, qui cherchait à faire rencontrer Dieu à Kirk, Spock et tout l’équipage de l’USS Enterprise. Sauf qu’ici on cherche à confronter nos héros à une autre sorte d'utopie : le bonheur et sa réelle inaccessibilité, et qu’on préfère leur mettre quelques bâtons dans les roues, au hasard en croisant sur leur chemin quelques renégats Klingon, plutôt que de les confronter à une trop grosse masturbation cérébrale qui avait bien eu raison de l’accueil du Star Trek V : L’ultime frontière susnommé.

C’est donc parti pour un petit space opera un peu mou du genou qui évite malheureusement la vraie bataille dans les étoiles en ne se contentant que d'un échange poli de torpilles photoniques, et qui se concentre surtout sur la transmission intergénérationnelle entre un Kirk bedonnant et un Picard pas forcément utilisé à sa juste valeur (déjà que l’histoire ne sait que faire des seconds rôles peuplant la passerelle principale du vaisseau), le tout arbitré par un Malcolm McDowell un tantinet cabotin et une Whoopi Goldberg en fin de carrière. Alors peut-être peut-on accuser Star Trek : Générations de ne posséder qu’un script un peu léger - même s’il possède deux scènes devenues cultes depuis, à savoir Kirk préparant des œufs à Picard dans un décor très « Épinal » et la mort de Kirk lui-même (certains ne s'en sont toujours pas remis tant on n'avait pas le droit de faire mourir leur héros !) -, de ne pas encore renfermer le souffle épique de la nouvelle équipe et de ne pas avoir non plus la puissance de feu d'un gros film de SF (on pourrait le considérer à juste titre comme un gros épisode transposé sur grand écran), mais maintenant que les présentations au grand public sont faites, les scénaristes ont la voie libre pour le prochain épisode entièrement next gen. Et là ils ne vont pas se priver.

Christophe Chenallet

STAR TREK : PREMIER CONTACT

Star Trek: First Contact - 1996
De Jonathan Frakes
Avec Patrick Stewart, Jonathan Frakes, Brent Spiner, LeVar Burton, Michael Dorn

Et voilà, c'est parti. Le nouvel équipage est définitivement en place pour le grand écran, n'en déplaise à William Shatner qui a bien essayé, le bougre, de refourguer son scénario de Star Trek : Résurrection, n'arrivant pas à digérer sa disparition tout sauf dantesque d'une saga qui lui doit quand même beaucoup. Mais non, Générations l'a bien envoyé ad patres et désormais, place à Picard, Worf, Data, Ryker et autres nouveaux navigateurs de l'U.S.S. Enterprise E, en route pour un (déjà?!) huitième épisode cinématographique qui annonce le meilleur. Le scénario prend en effet ses racines dans un excellent épisode de la série, intitulé Best of Both Worlds (pas de panique, il n'est pas besoin d'avoir suivi la série pour suivre le film, le scénariste Rick Berman n'oubliant pas de faire le pont entre les deux histoires pour qu'aucun spectateur ne soit largué). Picard étant capturé par les Borgs (sorte de robots-zombies assimilateurs et annihilateurs de toute émotion), l'équipage va donc devoir en découdre avec ces créatures cybernétique prêtes à tout pour réécrire le futur à leur avantage en empêchant, trois siècles auparavant, le premier contact entre les Hommes et les extra-terrestres (des Vulcains forcément) et remettant donc en cause tout ce que pourrait être l'avenir jusqu'au 24e siècle et l’existence même de Picard et de ses acolytes. Comme quoi les paradoxes temporels sont vraiment une source inépuisable pour les scenarii de science-fiction.

Et Jonathan Frakes, déjà réalisateur de plusieurs épisodes de la série, de se retrouver aux commandes d'un très bon opus alliant savamment combats intersidéraux (même si le film est un peu chiche en terme d'action spatiale pure car il ne se contente que d'une superbe scène de bataille au début et une petite attaque pédestre dans l'espace aux deux tiers du métrage), humour (les passages sur Terre sont remplis de blagues et d'humour léger où l'on sent clairement que l'équipe se régale et passe son temps à se poiler) et chronique humaine sur la vengeance et la rédemption. Car ici, l'éternel pragmatisme et l'indéfectible raison de Picard en prennent un coup. Citant Moby Dick comme référence symbolique de l'acharnement irraisonné, Star Trek : Premier Contact confronte le chauve capitaine français à ses démons et offre au rôle, tout comme au script, une interprétation sur la faiblesse de l'esprit humain qui fait aussi sa richesse, celle-là même qui fait avancer les personnages vers un futur qui a toujours donné le ton du message positif et utopique que véhicule Star Trek. Ça et une métaphore sur la liberté individuelle face à l'asservissement des masses. Avec la présence d'un James Cromwell en scientifique pilier de bar à tendance baba cool et du débutant Neal McDonough, et récupérant même le vétéran de la franchise Jerry Goldsmith à la musique, Premier Contact nous élabore donc une recette des plus fameuses pour composer non seulement le meilleur opus next gen de la licence mais aussi un film incarnant parfaitement la définition même de "science-fiction". Nice shot! comme disent les Américains.

Christophe Chenallet

STAR TREK INSURRECTION

Star Trek: Insurrection - 1998
De Jonathan Frakes
Avec Patrick Stewart, Jonathan Frakes, Brent Spiner, LeVar Burton, Michael Dorn

À peine remise en selle grâce à un Premier Contact plus que réussi, la licence se tire une balle dans le pied et se retrouve immédiatement sclérosée avec ce neuvième opus, vague cousin futuriste de La Petite Maison dans la prairie. Sorte d'épisode bas de gamme étiré et laborieux, Star Trek Insurrection se la joue flower power : Picard, sentant les années passer, va compter fleurette à une Ba’ku ménopausée en réfléchissant sur la vie, l’amour, les vaches, tandis que les Son’a, vieux moisis qui passent leur temps sur des fauteuils de chirurgie esthétique à se faire tirer la peau, convoitent l'erzatz de fontaine de jouvence desdits Ba'ku. Certes, si le film cherche à s’émanciper du genre (le scénariste préférant placer son ressenti sur les dangers de la technologie face aux choses simples de la vie), l'éloigner autant de ce que l'on est en droit d'attendre d'un film de science-fiction tient presque du suicide artistique que ni Piller ni le réalisateur Jonathan Frakes ne semblent anticiper. Mais le contemplatif et le bucolique, Frakes aime ça ! Du coup, aux séquences spatiales qui ne servent désormais que de transitions, l'interprète de Riker et réalisateur de Premier Contact préfère transformer son métrage en "image d'Epinal" et englue l’œuvre dans une romance molle, pompeuse et inintéressante où le suspens est complètement absent. A côté de ça, les Anakin et Padmé de Star Wars : Episode 2 passent pour Roméo et Juliette en pleine crise géopolitique ! Pourtant, on a bien essayé de nous faire croire à la viabilité du projet avec le talentueux et oscarisé F. Murray Abraham derrière le masque du méchant ultime. Mais non, désolé, rien n’y fait. D’autant que, dans la foulée, sortent coup sur coup Existenz et Cube, deux films sachant en mettre un coup dans le registre SF. Et quoi que l’on pense des films de Cronenberg et de Natali, on est obligé de reconnaître qu’à côté d’eux, Star Trek Insurrection fait figure de cinéma de Papa. Allez, c’est pas grave, on va mettre ça sur le compte de la fameuse malédiction trekkienne qui veut que chaque épisode impair soit très en deçà des espérances (pour rester poli), et attendons le prochain opus avec l’impatience fébrile d’un spartiate partant guerroyer, histoire de rattraper le coup.

Christophe Chenallet

STAR TREK : NEMESIS

Star Trek: Nemesis - 2002
De Stuart Baird
Avec Patrick Stewart, Jonathan Frakes, Brent Spiner, Tom Hardy

Aucune série télévisée n’a généré autant de films que Star Trek. La création de Gene Rodenberry rivalise directement au cinéma avec James Bond. Et comme lui, elle compte nombre d’œuvres moindres, de crises identitaires et de pannes d’inspiration. Star Trek : Némésis concentre tous ces problèmes. Solidement ancré dans l’univers ultra-défini de Rodenberry, Némésis propose pourtant une évolution des personnages emblématiques de la Nouvelle Génération, et une dose d’action plus moderne. L’intrigue, elle, emprunte beaucoup à l’excellent Star Trek VI, pour le théâtre comme pour la géopolitique. Les producteurs font appel à la société Digital Domain, fondée par James Cameron, pour concevoir les effets spéciaux. Bref, tous les éléments qui ont fait le succès de la saga sont là. Seulement, ça ne fonctionne plus. Si le produit fini explique en partie ce manque d’intérêt (rythme bancal, durée réduite, nombreuses scènes coupées au montage), la longévité de la licence joue contre elle. L’équipage de Jean-Luc Picard a connu sept saisons à la télévision et déjà trois films. En plus de la série originale, Star Trek a aussi été décliné en quatre autres séries : Nouvelle Génération, Deep Space Nine, Voyager et Enterprise. Bref, la saga s’essouffle et Némésis est considéré comme son chant du cygne. Un personnage principal meurt, un autre obtient le commandement de son propre vaisseau, et l’Enterprise est sérieusement endommagé. La réalisation de Stuart Baird, routard d’Hollywood, généreuse en effets, mais fonctionnelle au possible, ne suffit pas à donner une véritable identité au film. C’est l’épisode de trop. Sous la direction de Rick Berman, producteur attitré de la saga depuis Générations, Star Trek est devenu une entreprise qui atteint ses limites créatives. Dès lors, comme James Bond, seule une nouvelle lecture des origines de la saga lui permettra de ressusciter. Mais il faudra attendre sept ans, et le Star Trek de J.J. Abrams.

par Benjamin Hart

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