Wedding Singer (The)

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1985. Robbie Hart a mis ses rêves de pop star au rebut et chante dans les mariages. Il y rencontre Julia, une serveuse débutante. Peu de temps après, sa fiancée le laisse tomber à son mariage.

48 CŒURS

En 1998, le spectre de la bluette hantant les bandes-annonces de The Wedding Singer effraya les cinéphiles français aux petits cœurs aigris. Trop de guimauve tue la guimauve, même pour les spectateurs compulsifs de la fête du cinéma. Les "sans peur et sans reproche", les dérangés de la pellicule qui s’y risquèrent par défaut ressortirent pimpants, l’esprit envahi par des visions fluorescentes d’une époque révolue: les années 80. Les palais se remémorèrent la masse acidulée des Boules Magiques, les effluves orangées synthétiques du Tang envahirent à nouveau les narines, et l’on pleura les Crockimages. Les plus de 18 ans étaient comblés, et les passants assistaient intrigués à leurs déhanchements en diagonales aléatoires sur du Nena approximatif. Au cœur de l’invasion dégoulinante des comédies romantiques, Frank Coraci avait commis l’outsider moqueur et musical. Si romantisme il y avait, c’était vêtu d’une chemise improbable, coiffé au gel, bouclé à mort, et fan de Van Halen. Treize ans plus tôt, le monde entier vivait dans La Quatrième Dimension. The Wedding Singer nous rappelait ces temps troublés, gardien cocasse du ridicule intrinsèque de l’être humain.

CUBE 0 : RUBIK’S CUBE

D’où nous nous tenons aujourd’hui, il est difficile de considérer la décennie 80 comme l’époque idéale des amoureux transis. Elle évoque plutôt la régression sociale à la mode Reagan, les licenciements à la sauce Thatcher, le règne du tout-puissant yuppie cocaïné (cf. American Psycho de Bret Easton Ellis). Autant pour le romantisme. Pourtant, si l’on gomme un peu les plus gros outrages, le scandale se cantonne aux détails quotidiens et devient vite hilarant. The Wedding Singer a les œillères de son genre et la lucidité de l’expérience. La satire se limite à l’esthétique douteuse et aux goûts discutables, sans ignorer l’incarnation boursicoteuse de la bêtise mentionnée plus haut. Le méchant est un trader, le gentil est un (faux) loser. Noyé dans les frisettes, les moonwalks et les bandeaux de gym, ce manichéisme fonctionne parce qu’il ridiculise sans relâche la course à la frime en couleurs. L’esthétique des années 80 a cette capacité étrange de décourager toute estime: en l’adoptant à outrance, The Wedding Singer est une blague immédiate.

TAKE MY LOSE AWAY

Ce film est un éloge de la "lose" à l’échelle de l’existence, le portrait d’une époque où le ridicule était un mode de vie, la dernière tendance des gens branchés, un monde à l’envers. La lucidité à rebours de ceux qui ont vécu les mises en plis infernales et les bras de chemise retroussés force la pratique du rire: on ne peut assumer ses années 80 sans humour. La puissance de cristallisation du film fait tout son culte. Tous les détails sont référentiels: look Michael Jackson période Thriller du chauffeur de limousine (blanc), panoplie de Don Johnson et De Lorean pour le méchant, ersatz de Boy George aux claviers (énorme Alexis Arquette!), t-shirt de Van Halen et mitaines de Madonna. La musique seule permet les souvenirs émus. Tout le reste est un festival de pathétique clinquant absolument jouissif dans lequel un Adam Sandler naïf et lunaire (qui préfigure déjà Punch-Drunk Love) traîne ses guêtres de gentil perdant. Son ironie faussement tranquille achève le portrait d’une époque aux limites de l’univers parallèle. Il ne manquait plus que Billy Idol (le vrai!) pour bénir au nom du synthétiseur et des riffs de guitare interminables les amoureux et le film tout entier, dans un final complètement absurde, assumé comme tel. Une manière de saluer sans rancune une décennie de haute voltige, bancale, décérébrée et suicidaire, pour n’en garder que le meilleur. Et lui dire en chantant qu’elle nous a bien fait rire, mais que, franchement, ça n’était pas très sérieux.

par Benjamin Hart

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