Les fans films

Les fans films

La galaxie Star Wars n’est pas seulement constituée des six films de George Lucas; depuis quelques années viennent s’ajouter officieusement une tripotée d’œuvres réalisées par des fans transis en mal d’exploits de Dark Vador.

DANS UNE GALAXIE DE FANS

A l’origine fut le verbe. Puis vint la lumière. A l’origine, les fans désireux d’ajouter leur touche personnelle à l’univers créé par George Lucas devaient se contenter du papier et du crayon pour assouvir leur passion. Inspirés par les nombreuses fictions officielles écrites par des auteurs tiers, la fan-fiction adoptait bien souvent le format nouvelle et se distinguait par la même occasion par un style pauvre et des intrigues sans véritable imagination, recyclant les figures inventées par George Lucas et ses rares auteurs talentueux. C’est en 1998 que le cadre encore confidentiel – internet n’étant pas encore le médium de masse actuel – de la fan-fic entra dans une nouvelle phase. Un jeune réalisateur, Kevin Rubio, sortit en pleine préparation de La Menace fantôme un court métrage, Troops, alliance inattendue de l’univers Star Wars et une série de télé-réalité de l’époque, Cops, suivant le quotidien de véritables policiers et leurs interventions. L’alchimie est simple, le petit film montre une escouade de Stormtroopers sur Tatooine passer d’habitant en habitant, régler les petits problèmes ordinaires sur la planète la plus éloignée du centre de l’univers. On y voit les troupes de choc de l’Empire s’interroger sur leur mission ou bien passer un groupe de Jawas à tabac. Plus croustillant, on y voit surtout la vision de l'Empire sur l'affaire Owen et Beru Lars et leur mort ne se serait pas exactement passée comme on le comprend dans le film. Toutefois, les moyens mis à disposition sont, pour l’époque, tout à fait corrects. Tout d’abord, le tournage se fait dans le désert de Mojave, afin de simuler le paysage désertique de la planète de Luke Skywalker; ensuite, les effets spéciaux sont réussis, avec tirs lasers et speeders volants. En bref, le réalisateur est parvenu à donner à son film un cachet Star Wars à la fois décalé et crédible. Le film fait son effet et George Lucas lui-même est impressionné, au point qu’il invite Rubio sur le plateau du premier film de la nouvelle trilogie et qu’il considère Troops comme une sorte de scène coupée de ses films.

EVERYBODY’S IN LOVE WITH GEORGE LUCAS

George Lucas peut s’enorgueillir d’avoir créé une saga aux implications et à l’impact qui le dépassent certainement. On ne compte plus les références directes ou non dans les films d’autres réalisateurs. A commencer par Kevin Smith, fan transi, qui s’est offert son propre fan-film avec Jay et Bob contre-attaquent - titres et typographie à l’unisson - et sa scène de combat au sabre laser avec rien de moins que Mark Hamill. On y retrouve des références dans le récent Robots, ou bien dans des parodies telles que La Folle Histoire de l’espace, de Mel Brooks, ou la série des Y’a-t-il…, chacun s’offrant son moment tiré du culte, de la Force à la respiration de Dark Vador. En 1999 sort un nouveau fan-film à la forme particulière: George Lucas in Love, réalisé par Joe Nussbaum. Plutôt que de céder à la facilité de situer son film directement dans l’univers de Star Wars, il choisit de se recentrer sur son créateur George Lucas en ancrant les sources de son inspiration dans son propre quotidien d’étudiant. On y croise donc les prémices des personnages et des dialogues vénérés dans un voisin de chambre renfrogné et asthmatique inspirant Dark Vador, ou bien dans un chevelu maugréant et son ami réparant sa voiture la plus rapide du campus. Pour terminer dans une romance avortée, la demoiselle aux macarons capillaires sur laquelle il avait jeté son dévolu s’avérant être sa sœur! Finalement plus abouti que Troops, jouant sur la parodie/hommage plus classique, George Lucas in Love respire l’amour pour son matériau original et reste un court métrage à part entière, remarquablement bien réalisé et bien écrit. Il dépasse le cadre finalement vaguement péjoratif du fan-film pour imposer un réalisateur, tout simplement.

MAY THE FILMMAKING BE WITH YOU

Il serait dommage d’oublier la masse des fans-films, vivier extraordinairement disparate de talents et de volontés. La plupart du temps produites dans un amateurisme absolu - dont les frontières ont depuis dépassé celles de Star Wars pour s’étendre au Seigneur des Anneaux ou à Matrix, preuve du manque d’inspiration de ces aspirants réalisateurs -, ces œuvres témoignent de l’opiniâtreté de leur réalisateur. Un acharnement qui parfois a tendance à cacher la forêt de l’évidence: le plus souvent ces films n’ont aucun intérêt. On ne compte plus les ratés, les films inachevés et autres parodies inintéressantes qui fleurissent sur le net, tous pays confondus. Qu’on ne se trompe pas, les défauts inhérents des fans-films sont peu ou prou les mêmes que dans la production amateur de courts métrages: acteurs faibles et pas dirigés, prise de vues hasardeuse, script peu travaillé, dialogues ineptes. Ce qui différencie le fan-film du reste de la production demeure l’incroyable ambition affichée - après tout on parle de Star Wars - et le manque de rigueur final. On pense notamment à Revelations, film récent (la trame raconte la naissance de la rébellion) particulièrement bien noté sur le site français Star Wars Universe. Si l’on ne peut que saluer le travail acharné de ses bénévoles, sur les décors, les costumes, les effets spéciaux - assez bluffants -, le film n’en est pas moins un échec, acteurs et réalisation n’étant pas au diapason.

DIRECTOR’S CRISIS

La France n’échappe évidemment pas à cette vague d’œuvres basées sur l’univers de Jar-Jar et ses amis. On notera surtout l’hallucinant Jedi Crisis, toujours en court de montage et dont le trailer ne laisse planer aucun doute sur le produit final. En post-production depuis près de cinq ans - les prises de vues ont débuté en 2000 -, le film peut au moins se vanter d’une 3D plus que correcte. Le reste est au contraire d’un ridicule consommé. Entre un Yoda semblable à un cornichon desséché, des costumes de Stormtroopers ou d’un C3-PO issus d’un improbable collage non identifié et un montage incroyablement mou, des plans grotesques, une voix off mal enregistrée, le film illustre à lui seul une règle d’or: la réalisation de tels projets à l’ambition démesurée est souvent une perte incroyable de temps et d’argent, malgré tout le respect que l’on doit à ces bénévoles consacrant leur temps libre à leur passion. Comment prendre au sérieux ces œuvres vaines, mais malgré tout sincères, dont l’aboutissement ne s’accorde tout simplement pas avec une forme d’intégrité et de rigueur artistique. Du coup, on préférera ces petits films, prétextes aux effets spéciaux les plus simples des deux trilogies - souvent des sabres lasers - qui, eux, sont enfin raccord avec leurs ambitions. En résumé, si vous voulez apprendre à faire du cinéma, abandonnez les fans-films, ils ne vous apporteront jamais rien et le petit bijou - dont on n'est heureusement jamais à l’abri - a tout de la perle rarissime.

par Nicolas Plaire

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