Le Journal de Bridget Jones

Le Journal de Bridget Jones

En moins de dix ans, deux auteures anglaises ont révolutionné la littérature mondiale: tandis que J.K. Rowling convertissait petits et grands au culte de l'apprenti sorcier Harry Potter, Helen Fielding réunissait grâce au Journal de Bridget Jones toute la génération des filles du féminisme.

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IT'S MY PARTY...

"Bonnes résolutions pour la nouvelle année. A proscrire: [...] Me ruiner bêtement en: machines à faire des pâtes, sorbetières et autres ustensiles de cuisine dont je ne me sers jamais, livres illisibles d'auteurs à la mode pour frimer, lingerie extravagante (inutile puisque pas de mec) [...] Délirer sur Daniel Cleaver: pathétique de craquer pour patron, genre Moneypenny [...] Me lamenter sur absence de petit ami; mais développer sérénité, autorité et conscience de ma valeur personnelle en tant que femme de qualité, complète sans mec (car meilleur moyen de trouver mec)". D'abord paru quotidiennement dans le journal The Independent, Le Journal de Bridget Jones version livre est un succès immédiat: traduit en vingt langues, il s'en vend des millions. Helen Fielding, ex-journaliste de la BBC diplômée d'Oxford, a touché le gros lot en racontant simplement les aventures quotidiennes d'une trentenaire londonienne en quête de l'homme idéal. S'inspirant de son expérience et de celle de ses amies, elle imagine à la première personne les tracas existentiels de Bridget, comme arriver au repas de Noël familial encore une fois sans fiancé, se saouler en soirée et pouvoir arriver à l'heure au bureau le lendemain, manger deux pommes dans la journée et assister effarée aux envolées du pèse-personne…

... I CRY IF I WANT TO

Chaque jour, Bridget compte les calories ingurgitées, les quantités d'alcool absorbées, les cigarettes fumées, les minutes passées à imaginer des week-ends romantiques avec son patron, le temps perdu au téléphone avec sa mère, etc. Le style est drôle et singulier (beaucoup de phrases façon "télégramme"), l'identification immédiate. Bridget est une célibattante, en opposition aux "Mariés-fiers-de-l'être", et entourée d'une petite bande d'amis toujours prêts à faire la fête et s'épancher sur son épaule (ou à maudire ensemble Daniel Cleaver, patron et futur ex-amant de Bridget). Bridget, c'est vous, c'est moi, c'est chacune de nous: elle a des problèmes d'argent (pourtant cette jupe est celle de notre vie…), d'amoureux (combien d'heures, de jours, de mois, sans avoir fait l'amour), de parents, d'amis… Et se tourmente des jours entiers à l'approche de son anniversaire: "Si seulement je n'étais pas née, mais soudain apparue à la face du monde, genre Jésus en un peu différent, n'aurais pas à me tracasser sujet anniversaire. Profonde compassion pour Jésus. Doit – en tout cas, devrait – être très gêné par cirque obligatoire autour anniversaire depuis deux mille ans, dans majeure partie du globe".

INDEPENDENT WOMEN

Un an plus tard à peine, sort la suite Bridget Jones: L'Age de raison. Le livre enchaîne quatre semaines après la fin du premier, qui voyait Bridget trouver l'amour en la personne d'un riche et séduisant avocat, Mark Darcy, fils d'amis de ses parents. Mais comme rien n'est jamais simple, après les affres du célibat, Bridget connaît les angoisses liées à la vie de couple. Travaille-t-il vraiment ce soir? Est-ce bien lui à la sortie du théâtre avec Rebecca la pimbêche? Et qui est ce jeune garçon nu dans son lit?! Car le tout n'était pas de trouver un petit ami, mais encore faut-il le garder. Si ce second tome se veut plus mûr, il est aussi par moments plus ennuyeux (toute la partie en Thaïlande). Fielding s'égare un peu, le ton devient un peu trop sérieux, mais heureusement, la fin retrouve la verve du début. Le tout reste un monument d'humour appliqué aux réflexions sur la vie, l'amour, la mort (Bridget craint de finir vieille fille dévorée par son berger allemand), dont la lecture rappelle à peu près à chaque femme un moment ou un autre de son existence. Et si le livre ne se lasse pas d'être lu et relu, c'est parce que Fielding s'est inspirée d'un classique en la matière: Orgueil et préjugés de Jane Austen.

par Marlène Weil-Masson

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