Le Bushido

Le Bushido

Le Bushido est la Voie du Guerrier – de « bushi » guerrier et « do » la voie – le Bushido est un code qui transcende la notion d’honneur et du sacrifice. Le Bushido ne montre pas la Voie, le Bushido est la Voie. Digressions autour de Zen et arts-martiaux de Taisen Deshimaru.

LE REFLET DE LA LUNE DANS LA RIVIERE EST TOUJOURS EN MOUVEMENT

Ancrée dans la tradition japonaise, la Voie du Guerrier n’est rien de moins que la réponse du zen bouddhiste à un peuple dont l’histoire est déchirée par de nombreuses guerres. Le Bushido, outre l’offre d’une rigueur et d’une spiritualité sans faille applicable dans le cœur de la bataille, permet de trouver un support méditatif basé sur les armes du soldat. L’arc ou le sabre deviennent les outils éclairant le chemin du Bouddha. Proche – sans s’en être inspiré – du "connais-toi toi-même" gravé sur le temple d'Apollon de Delphes, le Bushido aspire avant tout au voyage intérieur. Appliqué à la caste des samouraïs – apparue vers 1615 avec l'ère Edo, succédant ainsi aux Bushis – ce code leur permet d'appréhender et mépriser la mort, ainsi qu'à plier leur esprit à une discipline rude et rigoureuse. Instauré initialement pour permettre aux samouraïs de conserver leur science lors des longues périodes de paix, le Bushido s'est teinté avec l'influence au bouddhisme d'une profonde spiritualité. Au départ ce n'était qu'un simple manuel traitant du maniement du sabre ou du tir à l'arc, ainsi que sur la façon de se comporter en société. Cet art a fini par imprégner profondément la société japonaise et a permit la popularisation des arts martiaux. Aujourd'hui, malgré la disparition des véritables samouraïs, cette philosophie conserve sa force et ses adeptes, y trouvant matière à réflexion et action sur le monde moderne. Il s'agit également de cet esprit, lié à un nationalisme exacerbé par les autorités religieuses bouddhiques, qui influença le Japon dans sa participation à la seconde guerre mondiale.

CEPENDANT LA LUNE EXISTE MAIS NE S'EN VA PAS

A travers le Budo – la voie du combat – le samouraï ne cherche pas seulement la victoire, mais il se cherche lui-même dans l'esprit du Mushotoku, c'est-à-dire sans avoir de but ou la recherche d'un bénéfice. Toute l'essence du zen et du Bushido réside dans l'abnégation d'une fin déterminée, d'un objectif particulier. Le samouraï qui recherche la Voie ne devra pas le faire en se disant que cela est bien ou bon pour lui, il le fera tout simplement, sans objet et avec son esprit originel, via entre autre la méditation zazen. Le Bushido passe par l'apprentissage rigoureux des arts martiaux tels que le kendo - le sabre – le judo ou le kyudo - le tir à l'arc. Sa morale réside dans sept principes qui forment les piliers du Bushido. On y trouve le Gi - la décision juste – le Yu - la bravoure et l'héroïsme – le Jin - la compassion – le Rei - le comportement juste – le Makoto - la sincérité – le Melyo - l'honneur – et enfin le Chugi - la dévotion. Liés au sens du sacrifice, au contrôle des sentiments et à l'acceptation de la mort, le guerrier ayant fait sien ces principes devient à la fois mortel et digne. Cela expliquant pourquoi au faîte de leur gloire, les samouraïs étaient considérés comme des combattants certes impitoyables mais aussi raffinés et éduqués. Il n'était pas rare qu'ils soient tout autant des maîtres dans l'art de la guerre que dans l'art de la cérémonie du thé, de la composition florale (Ikebana) ou de la calligraphie.

ELLE RESTE MAIS ELLE BOUGE

Afin d'être le meilleur bretteur possible, le samouraï doit réaliser l'action et la réflexion simultanément. Lié à une longue pratique et un long entraînement – les kata – visant à former le corps et l'esprit – tous deux indissociables – afin qu'il devienne la Voie, le samouraï se plie à une discipline militaire particulière. Il existe trois étapes d'apprentissage du Bushido. Tout d'abord le shojin, l'entraînement par la conscience et la volonté, puis vient le shiho, la concentration inconsciente, et enfin la dernière étape permet de rendre son esprit libre et de devenir un Maître. Le samouraï doit apprendre à maîtriser son ki, l'énergie qui le lie au cosmos et à toute chose jusque dans ses cellules. En 1717, Jocho Yamamoto publiait Hagakuré ("ce qui est caché sous les feuilles"), un manuel constitué de koan ("vérités") destinés à former le samouraï dans son asservissement envers son maître et à son chemin vers une mort honorable. Le samouraï est donc un guerrier complexe, répondant à des implications traditionnelles fortes et variées et fortement religieuses. Il endosse à lui seul l'ambivalence de la société japonaise, à la fois riche culturellement, créatrice et féconde ainsi que destructrice et violente. Dédaignant la mort, il a probablement été l'un des guerriers les plus efficaces de l'histoire avant de se faire balayer par la technologie occidentale. Toutefois, la Voie n'est pas fermée.

par Nicolas Plaire

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