La femme dans la chambre

La femme dans la chambre

Présentation et entretien autour du court-métrage de Damien Maric, La femme dans la chambre avec Antoine Dumerle, Nathalie Bleynie et Victor Wagner.

LE RETOUR DU KING

Depuis quelques années, Stephen King semble laisser de côté ses clowns tueurs et ses voitures enragées pour entamer une production beaucoup plus psychologique et moins sanguinolente. Moins de tripaille et plus de pathos semble être l’élément indispensable du nouveau cahier des charges d’un Stephen King plus humain, peut-être arrivé à un âge où l’introspection l’emporte sur l’hémoglobine. Et les récentes adaptations à l’écran de sa littérature ne s’y trompent pas puisque des productions comme La Ligne verte ou Les Evadés mettent en scène des huis-clos aussi glauques qu’esthétisants, où des personnages souvent vieillissants, prisonniers de leurs peurs et de leurs fantasmes, se retrouvent confrontés à la mort. Même les frenchies se retrouvent dans ce "Stephen King Reloaded", puisqu’une jeune équipe vient d’accoucher de La Femme dans la chambre, un court métrage adapté d’une nouvelle parue dans le recueil Danse Macabre. Une histoire tragique et simple, tournant autour de la lente agonie en milieu hospitalier et de l’euthanasie perçue comme un acte de compassion. Une nouvelle que King aurait tirée de sa propre enfance au chevet de sa mère malade. Damien Maric, déjà réalisateur des courts métrages Anagramme et Histoire d’ s’explique sur cette production, tournée en quasi catimini des grands studios.

ENTRETIEN AVEC DAMIEN MARIC

FilmDeCulte - Quelle est la genèse de film?

Damien Maric - En 1999, je suis parti à Los Angeles pour un stage chez Warner. A l’époque où je suis arrivé, Warner terminait la production de La Ligne verte, d’après Stephen King, et avait organisé une petite fête dans les studios à l’occasion de l’anniversaire de l’écrivain. Lors de cette soirée, j’ai directement été voir King et je lui ai demandé de me vendre les droits d’adaptation de La Femme dans la chambre, une de ses nouvelles, parue dans le recueil Danse Macabre. Comme j’étais le premier Européen à lui demander ça, il a même accepté de me les céder gracieusement! Malgré son accord, c’est Frank Darabont qui possédait le copyright sur cette nouvelle, dont il avait par ailleurs réalisé une version ciné à 22 ans…

FilmDeCulte - Et il a accepté?

Damien Maric - Ce fut un peu plus difficile, d’autant que j’étais rentré en France à ce moment-là. A l’époque, je travaillais pour le magazine Synopsis. Patiemment, j’ai élaboré un storyboard que j’ai renvoyé à Darabont aux Etats-Unis et, en mars 2001, il m’a, à son tour, cédé le copyright sur la nouvelle, gratuitement, mais à la seule condition qu’il voit le film terminé et qu’il donne sa validation pour une éventuelle exploitation.

FilmDeCulte - Trouver des producteurs a t–il été facile? Il y avait quand même le nom de Stephen King derrière?

Damien Maric - En fait, ce fut un vrai marathon… plusieurs producteurs se sont intéressés au projet, mais dès qu’il fallait investir concrètement, il n’y avait soudain plus personne! Au bout de deux ans, j’ai reçu, en avril 2003, un coup de fil d’un jeune réalisateur, Cédric Léger, qui s’intéressait au film. Il avait de l’argent qu’il souhaitait investir et après une entrevue m’a dit "banco!" De fait, il est devenu producteur du film. Quelques mois plus tard, en juillet, le tournage commençait.

FilmDeCulte - Comment s’est passé le tournage?

Damien Maric - Nous avions dans l’idée de trouver des paysages et une ambiance en France qui rappelleraient l’état du Maine, dans lequel Stephen King situe beaucoup de ses histoires. Je n’ai jamais mis les pieds là-bas, mais nous avons finalement trouvé quelques paysages dans la banlieue parisienne qui faisaient un Maine tout à fait acceptable. Le plus dur, pour les cadrages, ce fut de donner l’impression de grandes étendues de forêts du Nord-Est des Etats-Unis à l’écran, alors qu’on tournait entre les HLM, les pylônes EDF, et l’autoroute juste à côté! Mais je crois qu’on a quand même réussi à créer l’illusion… Quant à l’hôpital de Villiers-le-Bel où se situe la majeure partie du film, tourner à l’intérieur fut un cauchemar! Outre le fait que nous devions avoir remballé tout le matériel à 19 heures précises, l’hôpital se trouve à proximité d’Orly! Nous avions régulièrement des bruits de décollages en fond sonore, à tel point que, parfois, nous étions obligés de tourner le chronomètre à la main, pour boucler à la seconde près, ou hachurer la mise en boîte de certaines scènes! L’ingénieur du son s’arrachait les cheveux! Pour ne rien arranger, nous avons essuyé une mini tempête lors d’une scène en extérieur, et une tour à bien failli s’écraser avec tous les projecteurs qu’elle portait! Le plus drôle, c’est que j’avais été voir Lost in la Mancha juste avant de débuter le tournage! (Rires)

FilmDeCulte - L’équipe et les acteurs ont-ils mal réagi à cette série de malchances?

Damien Maric - Non, pas du tout! Le plus drôle, c’est que, malgré tout ça, nous n’avons jamais eu le moindre retard sur notre planning. Nous avons pu commencer la post-production et les effets spéciaux dès novembre. Et puis là rebelote, une autre série de problèmes est apparue: disque dur qui crame, virus qui élimine des fichiers, etc. Mais on s’en est sorti…

FilmDeCulte - Justement? Pourquoi des SFX dans une adaptation d’une nouvelle carrément plus psychologique que la moyenne?

Damien Maric - C’est vrai que La Femme dans la chambre ne montre qu’un jeune garçon et une femme alitée dans un hôpital. C’est un tout autre univers visuel que ce que l’on attend habituellement de Stephen King, c’est le "Stephen King humain" pourrais-je dire. Le monstre, ici, c’est la maladie et l’acharnement thérapeutique… Du coup, l’emploi des effets spéciaux s’est essentiellement concentré sur l’ambiance, les jeux de lumière, les ombres à la limite du champ de vision laissant deviner la mort qui rôde, la distorsion inhumaine des visages pour signifier la souffrance et, bien sûr, les cauchemars des personnages. Nous avons également tenu à restituer la "grammaire" habituellement associée aux adaptations cinéma de Stephen King: une bande son musicale des années 30-50 et une voix-off omniprésente pour comprendre les émotions de l’enfant. Tous ces détails indispensables pour recréer une véritable ambiance à la King.

FilmDeCulte - Y-a t-il de véritables différences entre votre version de La Femme dans la chambre et celle que Darabont tourna autrefois?

Damien Maric - Dans les deux cas, nous avons respecté le matériau de base. La seule différence essentielle reste la vision que nous avions de la fin du métrage: dans la version de Darabont, c’est un adulte, pas un jeune garçon.

FilmDeCulte - Avez vous d’autres projets pour l’avenir?

Damien Maric - Nous avons en projet une adaptation du Chien des Baskerville en long métrage, dans une vision plus sombre que celle de Conan Doyle. D’ailleurs, si un producteur me lit… (rires).

par Yannick Vély

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