Kaamelott

Kaamelott

En ce début d’année 2005, Kaamelott, la dernière mini-série diffusée par M6, a débarqué sur nos petits écrans sans la moindre peur du ridicule. Retour sur les coulisses et les caractéristiques de ce nouveau bain d’humour très premier degré.

GENESE

Comment succéder à Caméra café, dont le succès a mené à la déclinaison du format court en long métrage? Le concept en vignettes collait parfaitement avec l’idée de la caméra en plan fixe. Pas de montage à l’intérieur d’une séquence, les personnages se retrouvant autour d’une notion aussi ancienne que l’objet lui-même: la machine à café. Kaamelott reprend l’idée d’une série en épisodes courts mais il en dynamise la saveur. Plus de cadres uniques, les courtes saynètes sont filmées grâce à deux caméras HD qui assurent les champs contre-champ. L’unité de lieu est, elle aussi, brisée. La série se décline en plusieurs décors – salle du trône, taverne et inévitable table ronde – et n’hésite pas à partir en extérieurs lorsque le scénario le demande (scènes de batailles hors champ par exemple). Autant de caractéristiques techniques qui agissent comme une rupture avec son illustre prédécesseur caféiné. Une scission qui se voit d’ailleurs principalement consommée dans la thématique de la série. Exit l’univers feutré du bureau et les versatilités des relations professionnelles. Ici, on parodie la geste arthurienne. Dans un univers moyenâgeux - Arthur et sa cour dans le château de Kaamelott -, le fil rouge de ce début de saison consiste en l’éternelle quête du Graal. Le tout servi par des dialogues mélangeant le moderne et l’argot des pieds nickelés.

Remarquablement bien écrite et dialoguée, réalisée et mise en musique par Alexandre Astier – lequel s’est en plus réservé le rôle du Roi Arthur – la série apparaît, à la vue des premiers épisodes, drôle et inventive. Produite par CALT, avec un budget similaire à celui de Caméra café, l’inspiration de Kaamelott provient d’un court métrage humoristico-chevaleresque de quinze minutes réalisé par Alexandre Astier et produite par Acting Studios en 2002, Dies Irae. Remarquée, l’œuvre permet d’écrire une déclinaison en six pilotes – tournés en pellicule – de Kaamelott (avec "deux seul t"). Réunissant les piliers du casting de la série, on retrouve dans ces essais le ton iconoclaste et quasi-anachronique. Afin de passer le flambeau, Kaamelott bénéficie de l’adoubement de Yvan le Bolloc’h et Bruno Solo, qui feront des apparitions dans la série. Un accompagnement qui ne sera pas de trop pour imposer ce casting entièrement composé d’inconnus, principalement originaires de la région lyonnaise. De nombreuses autres guests sont déjà prévus. La seule crainte demeure dans la pérennité de série. Saura-t-elle se réinventer dans un cadre a priori plus fermé que celui – fertile – du monde en entreprise?

ARTHUR CHEZ LES BRAS CASSES

Oubliez le désormais croulant Sean Connery ou le ténébreux Clive Owen dans les rôles du roi Arthur. Sortez-vous le bellâtre Richard Gere de la mémoire des interprètes de Lancelot. Fini aussi la rachitique Keira Knightley dans le rôle de Guenièvre. Car il est désormais temps de connaître la face cachée de l’histoire, la légende réécrite du plus célèbre des rois, le mythe inversé de la quête du Graal et des chevaliers partis à sa recherche. Bienvenue à Kaamelott ou la mythologie des bras cassés de la table ronde. Désormais, le roi Arthur sera certes courageux, mais bien moins téméraire, préférant le calme, le luxe et la volupté d’un bon bain en compagnie de l’une de ses maîtresses plutôt que se salir le heaume dans une quête presque vaine. Entouré de compagnons plus incapables les uns que les autres, il aura fort à faire pour élever son peuple vers la lumière. Ainsi, épaulé par les plus incroyables branquignols que ses terres aient portés, il ne devra compter que sur ses chevaliers. Parmi les gueules qui l’entourent, Léodagan, son beau-père, roi de Carmélide, juge cruel qui ne jure que par la torture, le déni de chacun et les bons repas. Lancelot, le preux chevalier ne désirant rien d’autre que piquer Guenièvre à son roi. Perceval et Karadoc, les Dupont et Dupond où, oserions-nous, Ducon et Ducon du 5ème siècle, qui ne comprennent rien à rien et se demandent encore ce qu’ils foutent dans cette galère. On observera également le chevalier Bohort, véritable défenseur de la couardise et du verre de l’amitié plutôt que prompt barbare prêt à défendre son roi coûte que coûte. Ou bien encore le grand Merlin, qui passe ici plus pour un savant fou que pour le grand magicien qu’il prétend être.

Bref la légende arthurienne en prend un sacré coup et ce petit monde soi-disant conquérant n’apparaît seulement que sous forme de missions ratées, d’affabulations diverses, où le Graal passe désormais pour un simple gobelet digne uniquement des brocantes de bourgs et où Excalibur risque fort de se trouver être une tige à brochette. De plus, cette série se permet même le luxe de ne pas empiéter sur les empreintes laissées par ses prédécesseurs (les Monty Python ou Rowan Atkinson et sa Vipère noire, ni sur le culte hexagonal Les Visiteurs), mais décline son humour propre et beaucoup plus personnel du créateur de la série Alexandre Astier. Si Kaamelott préfère cultiver l’anachronisme lexical plutôt que les erreurs volontaires temporelles et matérielles, tout l’ensemble reste malgré tout très premier degré. Car dans l’univers de la table ronde, la multitude de situations possibles suffisent entièrement à donner de bonnes crises de rire, sous la plume et l’interprétation du sire Astier, pour ne pas chercher une dose d'ironie sous-traitée. L’une des grandes forces de cette série étant ce fameux humour travaillé et réfléchi qui ne se fiche à aucun moment du téléspectateur. Attention au futur phénomène télévisuel, tant Kaamelott apporte du sang neuf dans la comédie du PAF et tant le Saint Graal de l’audience semble être à portée de main. Longue vie au roi Arthur!

par Christophe Chenallet

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