Gangs of New York, l'aventure d'un film

Gangs of New York, l'aventure d'un film

Les éditions des Cahiers du cinéma ne pouvaient pas manquer une aussi belle occasion d’accompagner l’un des derniers grands cinéastes américains dans l’accouchement difficile de son dernier rejeton, Gangs of New York. Comme le film, le livre, d’une dimension de 27x23, en impose par sa taille et son gigantisme. Pas moins de 288 pages au service de l’œuvre, avec de nombreuses et magnifiques photographies puisées des images vues en salle, des entretiens en abondance avec les membres de l’équipe et, en bonus, le scénario intégral du film. Il est cependant regrettable que la politique de la maison d’édition soit de s’associer à la sortie du film comme objet promotionnel, avec, par définition, sa part de superficialité. Il aurait été sans doute préférable de patienter davantage, de laisser le temps au film de vivre un petit bout de vie, afin d’y inclure par la suite diverses réflexions et analyses, qui auraient été nécessaires à l’approfondissement de cette œuvre baroque. En effet, le livre ne possède aucun recul sur l’évènement, et l’enthousiasme des personnes interviewées vient très vite se substituer à l’intérêt des questions posées. Une gaieté partagée par tous les intervenants, du fait d’avoir travaillé aux côtés de Scorsese, qui vient rappeler, comme du reste chaque sujet promotionnel, que tout le monde il est beau et tout le monde il est gentil. Les questions sont également très peu personnalisées, aucun membre de l’équipe n’échappant par exemple aux deux sempiternelles interrogations "Qu’avez-vous pensé des décors de Dante Ferretti?" et "Comment s’est passé le travail avec Martin Scorsese"… Sachant que seules une demi-douzaine de questions sont posées par intervenant, une légère frustration se fait sentir

Le gigantisme du livre doit également être amputé de 120 pages concédées au scénario, peu intéressant au demeurant, puisque rédigé après le montage des images, et non avant le tournage du film. N’espérez donc pas dégoter une scène inédite ou des dialogues coupés au montage. N’espérez pas non plus éclaircir le mystère des censures que le film a subi, aucune mention ne concerne le sujet. Un dernier regret, la quinzaine de photos de tournages, même si magnifiques et en noir et blanc, sont trop peu nombreuses, et surtout malencontreusement disposées sur deux pages, pliées en leur milieu, et par conséquent sauvagement défigurées. La principale qualité du livre est avant tout d’avoir donné la parole à de nombreux artistes, dont certains bien trop souvent écartés des projecteurs. Après les principaux membres de l’équipe, comme le réalisateur et les acteurs, le livre s’attarde donc sur les maquilleurs, les producteurs, les costumiers, les scénaristes et les conseillers historiques. Deux pages sont octroyées par intervention, permettant juste quelques anecdotes et précisions intéressantes sur leur métier et leur rôle respectif. Le passé historique de cette période de New York est largement évoqué, recelant d’informations enrichissantes, à l’image de la préface écrite par Luc Sante (auteur de deux livres sur la période) et de quelques croquis d’origine. Le livre est dans l’ensemble d’une très bonne facture, même si, de manière générale, beaucoup trop promotionnel.

par Yannick Vély

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