Docteur Gir & Mister Moebius

Docteur Gir & Mister Moebius

Jan Kounen vient d'adapter la mythique bd du scénariste belge Jean-Michel Charlier et du dessinateur français Gir, alias Jean Giraud. Coup de projecteur sur ce fabuleux illustrateur aux multiples visages qui a influencé de nombreux artistes et qui compte de par le monde de nombreux fans dont George Lucas, Ridley Scott, James Cameron, Mathieux Kassovitz, Hayao Miyazaki, et Katsuhiro Otomo.

MYRTILLE

Le personnage du lieutenant Blueberry est né en 1963 sous la plume de Jean-Michel Charlier et sous le pinceau de Jean Giraud, alias Gir dans le journal Pilote. Au départ c'est une bande dessinée assez classique, typique de l'époque, malgré l’aspect anticonformiste du personnage. Mais très vite, l'imagination prolixe de Charlier et le graphisme en constante évolution vont amener cette saga vers des contrées inexplorées. Cette série, devenant de plus en plus adulte, sera marquée par des épisodes mythiques comme le diptyque qui a inspiré Kounen La mine de l'allemand perdu et Le Spectre aux balles d'or, ainsi que le cycle de Chihuahua Pearl. De plus les deux auteurs vont créer des spin-off à la saga initiale: La Jeunesse de Blueberry et Marshal Blueberry, une innovation pour l'époque mais qui est assez courante dans le monde actuel de l'édition de bd. Cette saga influencera des auteurs comme Hermann, Michel Blanc-Dumont, Yves Swolf, et les pères respectifs de Comanche, Jonathan Carland et Durango. Aujourd'hui encore Giraud continue à nous livrer régulièrement ses planches des aventures épiques de ce bon vieux Blueb'. A noter que sous le pseudonyme de Gir, Jean Giraud a aussi créé Jim Cultlass, autre fameux héros du Far-West, repris plus tard graphiquement par Christian Rossi.

LA NEBULEUSE MOEBIUS

Tel Janus, Gir a une autre facette, celle de Moebius le dessinateur polymorphe célébré aussi bien à Nogent-sur-Marne, qu'à Los Angeles et Tokyo. Moebius fait ainsi partie avec Philippe Druillet, Jean-Claude Mézieres et Enki Bilal du fabuleux quatuor qui révolutionna la SF dans les seventies, et dont les effets se font encore aujourd'hui ressentir dans les studios de Hollywood. Giraud signe pour la première fois sous le pseudo de Moebius au début des années soixantes pour des histoires courtes parues dans le journal Hara Kiri, malheureusement ce magazine bête et méchant va se faire interdire par le pouvoir gaulliste. La signature Moebius va ainsi hiberner jusqu'au début des années 70, où elle réapparaît dans Pilote à l'occasion de pages d'actualités où des récits comico-fantastiques comme La Déviation et L'Homme est-il bon?, ce dernier étant récemment adapté en court-métrage par un jeune réalisateur. 1975 est une année importante pour "l'entité moebusiènne", il fonde ainsi avec Philippe Druillet et Jean-Pierre Dionnet Les Humanoïdes Associés et la mythique revue de SF Métal Hurlant. A la même période il rencontre Alexandro Jodorowsky sur la préparation du tournage de Dune, un de ces fameux projets avortés. Avec ce dernier, Moebius va poursuivre sa connaissance de la philosophie chamaniste, et de l’œuvre de Carlos Castaneda. De la fusion Jodorowsky-Moebius va émerger le cycle de L'Incal, toujours copié jamais égalé. Pour Les Humanoïdes il créé aussi Arzach, Les Yeux du chat toujours avec Jodorowsky, Le Garage Hermétique et de nombreux recueils d'illustrations. Au milieu des années 80, suite aux difficultés des Humanoïdes il rejoint l'éditeur Casterman, pour lequel il entame une nouvelle saga Le Monde d'Edena. Dessinateur aux styles multiples, Moebius s'adapte à tous les médias; ainsi il travaille pour la pub, créé des affiches de cinéma, s'essaye à la peinture abstraite, au dessin de presse, illustre des romans (récemment Bernard Werber et Paulo Coelho), collabore à des jeux vidéo (Panzer Dragon chez Sega) et dessinera même un épisode du Silver Surfer sous la plume de Stan Lee pour le compte de la Marvel. Evidemment le septième art va faire appel à son immense talent.

MOEBIUS ET LE CINEMA

Depuis le projet mort-né Dune, les collaborations de Moebius avec le cinéma sont nombreuses et variées. Ridley Scott fait ainsi appel à une bonne partie de l'équipe de design du film de Jodorowsky pour Alien, dont le peintre suisse Giger, l'anglais Chris Foss, et Moebius qui conceptualise les costumes des astronautes. Ensuite Moebius part s'installer à Los Angeles, où il travaille pour de nombreuses productions hollywoodiennes, notamment Tron de Steven Lisberger, Willow de Ron Howard, Les Maîtres de l'univers de Gary Goddard et Abyss de James Cameron. Dans les années 80 il fait un court passage à Tokyo, où il réalise des story-boards et des illustrations pour le long métrage d'animation Little Nemo d'après l’œuvre éponyme de Winsor Mc Quay. Au Japon il rencontre le créateur d'Akira Katsuhiro Otomo, avec lequel plus tard il essayera de monter une version animée du Garage hermétique. Ce film restera à l'état d'ébauche, dommage quand on sait que la production avait engagé le groupe U2 pour concevoir la musique. Moebius est d’ailleurs un spécialiste de ces long métrages ambitieux jamais finalisés; il y eut ainsi les projets Internal Transfert, Starwatcher (premier film français en images de synthèse avec la compagnie Médialab filiale de Canal +), et récemment La Tempête d'après la pièce de William Shakespeare dans une coproduction franco-italienne. Dans les années 90 Moebius participe en tant que designer au Cinquième élément de Luc Besson, fait l'acteur dans Madeleine 1999 de Laurent Bouhnik, travaille sur l'adaptation du roman d'Athur C. Clarke, Rendez-vous avec Rama, avec David Fincher et sur celle de l'oeuvre de Maurice G. Dantec, Les Racines du mal, avec Jan Kounen, et c'est à ce dernier qu'il donne les droits de Blueberry. Enfin en 2005 sortira sur grand écran Thru the Moebius Trip, long métrage en animation 3d de Frank Foster auquel Moebius a activement participé. Bref l'influence de Moebius sur le septième art n'est pas prête de s'arrêter.

par Yannick Vély

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