Diana Wynne Jones

Diana Wynne Jones est l’auteur du Château de Hurle, le roman pour enfants que Hayao Miyazaki, pour son neuvième film (Le Château ambulant), a choisi d’adapter. On la rapproche parfois de Philip Pullmann pour son imagination merveilleuse et son goût pour les voyages intérieurs, ou encore de J.K. Rowling, dont les personnages de jeunes sorciers ont eu le succès planétaire que l’on connaît. Pour autant, il suffit de lire quelques lignes de l’une des nombreuses œuvres de Jones pour comprendre que son style brillant et léger, son utilisation malicieuse des codes du genre et ses personnages envoûtants méritent bien, eux aussi, un petit coup de projecteur.

HAVE YOU MET MISS JONES

Née à Londres en 1934, c’est à l’âge de 8 ans qu’un jour, tranquillement, lui vient l’idée claire et précise qu’elle serait écrivain. Mais en pleine Seconde Guerre Mondiale, avec une mère qui ne croit pas en elle et un père qui rechigne à acheter des livres à ses trois filles, une telle vocation est difficile à réaliser. Ses contacts avec la littérature se limitent aux récits qu’elle écrit pour distraire ses sœurs, et aux rayons austères de la bibliothèque locale. La fantasy? Les livres destinés à la jeunesse? Ce n’est que bien des années plus tard qu’elle les découvrira vraiment. Pourtant, elle est allée à Oxford, y a suivi des conférences données par Tolkien lui-même; mais c’est seulement après la naissance de ses trois enfants qu’elle découvre Le Seigneur des Anneaux, et s’enthousiasme de lire enfin un vrai et long roman de fantasy. Peu à peu, s’inspirant des réactions de ses fils quand elle leur fait la lecture, et apprenant elle-même à écrire professionnellement, elle s’essaie à des romans pour enfants. Ils seront tous refusés. En 1970, essentiellement par nécessité, elle réussit à publier un roman pour adultes, Changeover. Mais ce n’est qu’après avoir rencontré Laura Cecil, encore aujourd’hui son agent, qu’elle se lance, en 1972, dans l’écriture d’un nouveau roman destiné à la jeunesse. Ce sera le premier d’une belle trentaine.

LE CHATEAU DANS LE CIEL

Diana Wynne Jones avait déjà publié avec succès une vingtaine d’œuvres quand paraît Le Château de Hurle en 1986. Elle y raconte l’histoire de Sophie, l’aînée de trois sœurs, héritière de la chapellerie de son père, et pourvue du talent étonnant de confectionner des chapeaux qui réalisent les voeux. Sa tranquillité est troublée par l’inquiétant château itinérant du magicien Hurle, dont on raconte qu’il séduit les jeunes filles avant de manger leur cœur. Mais quand la Sorcière du Désert, autre terreur locale, transforme Sophie en vieille femme et l’empêche de révéler sa malédiction à qui que ce soit, Sophie se réfugie dans ledit château. Elle y rencontre Michael, jeune apprenti du magicien, et Calcifer, un démon du feu lié à Hurle par un contrat aussi secret que l’est l’ensorcellement de Sophie. Tous deux se promettent de décrypter puis de briser le sortilège de l’autre. Ainsi obligée de rester au château, Sophie se résout à faire face au blond et fuyant Hurle. Elle apprendra à tolérer, puis apprécier ses obsessions, ses frasques, ses colères, et ses secrets... Ce roman, par son style foisonnant et sa fantaisie très visuelle, est un support très fort pour une adaptation au cinéma, et présente de nombreuses similitudes thématiques avec l’œuvre de Miyazaki – que Diana Wynne Jones, du reste, estime beaucoup. Hurle avait été tellement apprécié qu’elle a écrit une suite, Le Château des nuages, seul autre roman traduit en français… en dehors de la fameuse série des "Mondes de Chrestomanci".

CHRISTOPHER CHANT A L'ECOLE DES SORCIERS

Quatre romans mettent en scène le personnage de Chrestomanci, sorte de haut fonctionnaire de la magie. Le premier en date et le plus primé, Ma sœur est une sorcière, raconte essentiellement le parcours de Eric ‘Chat’ Arcand, jeune orphelin qui se cramponne à sa sœur Gwendoline, sorcière déjà très puissante, aussi têtue et arrogante que Chat est faible et discret, et dont l’ambition les conduira tous deux au château de Chrestomanci. Première œuvre de Jones publiée en France, c’est aussi la plus représentative de son style et de la profondeur de ses personnages. L’un des grands principes de Jones est de ne pas traiter l’enfance de son point de vue passéiste d’adulte: ainsi Chat est-il particulièrement touchant, avec ses doutes, ses défauts et ses désirs d’enfant. De ce fait, l’identification est quasi totale et possible à tout âge. Quant à Chrestomanci, personnage récurrent et absolument fascinant, il n’est pas pour autant un héros lisse et facilement cernable. Le deuxième est Les Magiciens de Caprona, dont l’action se situe dans une simili-Vérone, puis vient La Chasse aux sorciers, qui se déroule dans un collège où se cachent des sorciers en herbe. Enfin, Les Neuf Vies du magicien décrit comment Christopher Chant comprend peu à peu qu’il n’est pas tout à fait comme les autres enfants. C’est là que s’arrête la liste pour le public français, mais les anglophones pourront suivre Chrestomanci dans Mixed Magics, un recueil de quatre brillantes nouvelles, ainsi que dans Conrad’s Fate, à paraître (mi-2005). Espérons que le succès du film de Miyazaki les mènera prochainement jusqu’à nos librairies.