Damien Rice "O"

De quoi a besoin un album pour devenir un succès? De textes bien écrits, d'une musique qui colle aux mots, d'une voix pour leur donner vie, mais également de la chance. Celle-ci vient de sourire à Damien Rice en la personne de Mike Nichols, qui a choisi l'une des chansons de son album O pour son film Closer. Le reste n'est qu'émotions.
"NOTHING IS TAKING ME DOWN, EXPECT YOU MY LOVE"
"And so it is just like you said it would be, life goes easy on me… most of the time…". C’est sur ces mots, portés par une voix masculine à la puissance émotionnelle certaine, accompagnée par une guitare aux accents qui ne le sont pas moins, que débute le film de Mike Nichols Closer. A l’écran, Natalie Portman marche dans les rues de Londres d’un pas décidé, et dans la direction opposée arrive Jude Law. Soudain, leurs regards se trouvent, s’égarent pour se retrouver et ne plus se quitter. La rue a cessé d’exister et seuls comptent désormais ces deux regards accrochés l’un à l’autre et la voix de Damien Rice qui leur fait écho "I can’t take my eyes off of you". Bien que ce soit le probable début d’une histoire d’amour, le ton est celui d’un douleur quasi physique face à cette impuissance relatée. Un peu comme une prière lancinante avec cette voix qui se rapproche de la cassure sous le coup de l’émotion. Il ne peut détacher son regard d’elle et lui demande peut-être de le libérer. Mike Nichols ne pouvait trouver début plus accrocheur pour son film et quelle excellente idée il a eu de sortir du placard la sublime chanson de Damien Rice The Blower’s Daughter, du non moins excellent album O, sorti il y a déjà deux ans et passé, malgré un accord unanime de la critique, injustement inaperçu auprès du grand public. C'était là le premier album de l’auteur, compositeur, interprète, producteur et mixeur, qui a bénéficié de l’aide de Lisa Hannigan, l’autre voix du disque, que l’on devine muse et complice du musicien.
"I DIE WHEN YOU MENTION HIS NAME"
Les Rita Mitsouko l’on jadis chanté, "les histoires d’amour finissent mal… en général". Chez Damien Rice, elles n’ont jamais été aussi tristes. Quand elles ne sont pas finies ou sur le point de l’être, c’est le temps qui passe trop vite, ou encore le doute et la peur de perdre l’autre qui nourrissent chaque mot. La force évidente de O est l’esprit d’authenticité qui l’habite. Il ne s’agit point de chansons mais de tranches de vie, Damin Rice nous invite dans son cœur. Chaque mot y vibre avec force, et est porté par une touche de piano, une envolée de violons, l’accord triste d’une guitare, le souffle de la clarinette ou encore la nostalgique note du violoncelle. L’émotion y est à fleur de mots, Cheers Darlin’ étant un petit bijou de poésie mêlé d’un terrible cri d’amour et l’interprétation, car il ne s’agit ici pas de chanter mais bien de donner vie et sens à chaque mot, qu’en fait Damien Rice tout à tour tout en douceur, désespoir, douleur, criant son amour perdu, cette interprétation va vous prendre au ventre et laisser courir des frissons d’émotion dans l’air. Sa voix habite chaque chanson, chaque mot, les prolongeant parfois dans un souffle jusqu’au supplice pour mieux laisser s’exprimer le trop-plein d’émotions. Il est d’autant plus clair au vu de cela que Mike Nichols ait choisi d’illustrer ses images avec les mots et la voix de Damien Rice, car la chanson choisie est d’une telle force émotionnelle qu’elle se suffit à elle-même pour faire passer le message du réalisateur. Le langage des sentiments est universel et a trouvé en Damien Rice un messager tombé du ciel. Alors si vous avez manqué ce magnifique album il y a deux ans, ne laissez pas passer cette seconde chance car, comme pour le grand amour, il n’y en aura peut-être pas d'autre.
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Playing List:
1. Delicate 2. Volcano 3. The Blower’s Daughter 4. Cannonball 5. Older Chests 6. Amie 7. Cheers Darlin’ 8. Cold Water 9. I Remember 10. Eskimo