Coeurs perdus en Atlantide

Composé de 5 nouvelles (ou plutôt un roman et 4 nouvelles) distinctes mais reliées par certains personnages et par des évènements qui se déroulent dans les années 60, Coeurs perdus en Atlantide (lire la critique du film) n'est pas un roman d'horreur, style de prédilection et dans lequel on confine souvent ce grand auteur qu'est Stephen King. C'est une ode à l'humanité et aux années 60, une grande bouffée de nostalgie
Dans la première partie, qui se situe pendant l'été de 1960, on retrouve Bobby Garfield, Carol Gerber et Sully-John, trois enfants de 11 ans. Les 2 premiers en particulier sont secoués par 2 évènements qui leur feront perdre leur innocence:
- L'arrivée d'un vieux monsieur du nom de Ted, aux pouvoirs étranges, et des êtres en jaune qui le pourchassent, tout droit sortis de l'univers de La Tour Sombre. C'est l'une des seuls véritables intrusions du fantastique.
- L'agression de Carol par 3 adolescents.
C'est cette agression que l'on retrouve quelque part comme élément charnière dans Chasse-coeurs en Atlantide, seule partie écrite à la première personne par un Pete Riley qui se souvient de sa première année de scolarité à l'université, en cet automne 1966. De scolarité il n'en est pas beaucoup question, on parle surtout d'un jeu de cartes infernal (le Chasse-coeurs), de la montée de la crise et du mouvement contre la guerre du Vietnam, et de Carol Gerber, dont il était tombé éperdument amoureux. On y apprend d'ailleurs la signification du titre, l'Atlantide étant la métaphore pour la disparition du monde comme il l'a connu.
Ces 2 premières parties sont les plus longues, mais aussi les plus intéressantes au niveau de l'ambiance et des relations humaines décrites: Bobby avec sa mère, avec Carol, ou avec Ted. Pas de fantastique dans la deuxième partie, juste un moment magique, comme le dit Pete lui-même, quand Carol lui confie le souvenir de l'agression, ce qui la suivit et ce qu'en sont les conséquences. L'ambiance des années 60 y est presque palpable, et, comme très souvent avec King, on croit aux personnages.
Les 2 parties suivantes sont moins touchantes et plus difficiles à digérer, dans l'ambiance et dans les personnages.
Dans Willie l'aveugle, on est en 1983 et on suit Willie Shearman, la quarantaine, pendant toute une journée. Il était impliqué dans l'agression de Carol et dans la guerre du Vietnam (il y était avec Sully-John, et avec un des joueurs de cartes de la deuxième partie). Il souffre d'un genre de schizophrénie, doublé de mythomanie. Arrivé à son bureau, il se change et et devient Billie, un homme à tout faire, puis Blind Willie, qui mendie, et qui devient vraiment aveugle au fur et à mesure de la journée, tout cela pour se repentir de ce qu'il a fait à Carol. Partie très mineure de cet ouvrage, on accroche vraiment pas, surtout à cause du manque de sympathie (dès les premières lignes) du personnage, et c'est avec soulagement qu'on remarque qu'il ne compte que 43 pages.
Dans Pourquoi nous étions en Vietnam, on retrouve Sully-John en 1999, qui va à l'enterrement d'un ancien compagnon du Vietnam. Ce qui fait qu'il se souvient avec son ancien lieutenant du Vietnam et, sur le chemin embouteillé du retour, de son enfance avec Bobby et Carol, de sa relation avec Carol pendant son adolescence. C'est avec plaisir qu'on retrouve Sully-John, mais l'histoire n'a pas beaucoup d'intérêt, seulement celui de nous guider de manière impressionnante vers un événement qui nous amène à la dernière partie:
Ainsi tombent les ombres célestes de la nuit
Conclusion, qui se situe aussi en 1999, directement reliée à la première histoire, où Bobby retourne dans le quartier de son enfance, belle et mystérieuse fin qui conclut à merveille cet oeuvre, dans laquelle plusieurs destins et personnages se croisent, s'aiment, se séparent. Tout cela avec un brin de fantastique et une bonne dose de magie.
Le fantastique de la première partie semble un peu comme un ovni parmi le reste mais donne à l'oeuvre finalement toute sa magie. Et ceux de qui auront lu le cycle de La Tour Sombre apprécieront. Les différents styles de narration et d'univers déstabilisent à chaque fois un peu, c'est comme si on se mettait à lire chaque fois un nouveau livre. Le tout reste heureusement homogène mais inégal.