Alejandro Amenabar

Alejandro Amenabar

En seulement trois longs-métrages, Alejandro Amenabar a conquis à la fois la critique et le public, en Europe comme aux Etats-Unis. Film après film, Maria Asuncion Gomez et Santiago Juan-Navarro - professeurs de littérature et cinéma hispaniques à l'université de Miami - font émerger les raisons de ce succès.

PETIT THRILLER DEVIENDRA GRAND

Dans ce premier ouvrage publié en français sur le cinéaste espagnol, les auteurs posent en premier lieu quelques rapides bases. Ils accordent ainsi au thriller le statut de métagenre, c'est-à-dire un genre qui en englobe d'autres, comme le fantastique, le suspense, le drame… Amenabar apparaît ainsi comme doué de la capacité à mélanger ces genres, et donc à maîtriser l'art du thriller. L'auteur-réalisateur a en effet le don de créer toutes sortes de sentiments chez ses spectateurs, Gomez et Juan-Navarro comparant la vision de ses films aux montagnes russes. Les œuvres d'Amenabar sont également comparées à des labyrinthes, tant le réalisateur ouvre de pistes dans ses intrigues, sans pour autant perdre le spectateur en chemin. Ils reviennent aussi sur son parcours: enfance solitaire et artiste, se créant une cinéphilie grâce à la vidéo, puis entamant des études de cinéma. Délaissant les cours trop théoriques, il y rencontre des amis vite indispensables, comme Mateo Gil. Une poignée de courts-métrages plus tard, le metteur en scène et producteur José Luis Cuerda remarque le talent d'Amenabar grâce à Himenoptero. Véritable coup de chance, il propose même à l'étudiant de plancher sur un projet de long-métrage, qu'éventuellement il produirait. Deux ans passèrent avant qu'Amenabar et Gil démarrent vraiment le projet Tesis, tourné rapidement pendant l'été, à faible coût, et qui sortit en 1995.

1, 2, 3… SUCCES!

Premier long-métrage, accueil enthousiaste au festival de Berlin et première nomination aux Goyas (Oscars espagnols). Ce succès lui permit d'enchaîner avec Ouvre les yeux, encore un thriller, fantastique cette fois, qui connut à son tour un remarquable succès, mais toujours en Espagne. C'est la diffusion du film au festival de Sundance qui fit connaître Amenabar aux Américains. C'est ainsi que Tom Cruise produisit et joua dans le remake du film, Vanilla Sky. Le jeune Hispanique décida alors de lui montrer son scénario intitulé Les Autres, qui enthousiasma immédiatement Cruise et Nicole Kidman. Un budget encore plus élevé, une promotion incroyable pour un troisième film d'un jeune Espagnol, et le succès est encore au rendez-vous, apportant cette fois une reconnaissance - critique et publique - internationale. Ce que nous expliquent à ce sujet les auteurs du livre, c'est qu'Amenabar a le talent de rallier toutes les sensibilités - européennes et américaines - à sa cause: tandis que ses scénarios sont soignés, à la fois complexes mais maîtrisés, il s'aventure à la perfection dans un genre réservé plutôt aux réalisateurs d'outre-Atlantique. A mi-chemin entre Madrid et Hollywood, il a su se servir intelligemment de sa culture latine enrichie aux films américains. De plus, Hollywood compte peu d'auteurs-réalisateurs; ainsi, le moindre scénariste capable de tenir une caméra devient vite un modèle pour le milieu du cinéma alternatif (et une menace pour les tâcherons d'Hollywood).

LES INGREDIENTS DE BASE

Gomez et Juan-Navarro établissent enfin un rapide schéma des points communs aux trois films d'Amenabar, Tesis, Ouvre les yeux et Les Autres. Les premiers concernent la construction des trois œuvres. Chacune comporte un prologue et un épilogue, qui sont autant de messages aux spectateurs. Puis le point de vue du personnage principal se confond avec celui du spectateur, ceci afin de créer dès le début du film une identification, ticket pour les montagnes russes précédemment citées. Il est noté également qu'Amenabar est friand de mises en abyme, qui sont autant d'indices supplémentaires laissés à notre intention. Un trio de thèmes récurrents est remarqué, et qui explique l'adhésion à l'histoire: la notion de faux-semblants et donc de réalité est présente - réalité virtuelle, rêve, cauchemar, frontières floues entre deux mondes -, le décor est toujours très important, rappelant l'idée de labyrinthe et servant le suspense; enfin, la peur surgit toujours dans le cadre familial, Amenabar exploitant intelligemment l'irruption de la "violence" dans notre quotidien. Ces thèmes, les auteurs les ressortent de chaque long-métrage pour nous les démontrer, exemple précis et références (entre autres, bien sûr, à Hitchcock) à l'appui. Et ce qu'ils prouvent finalement, c'est le génie indéniable d'un jeune cinéaste à suivre absolument.

par Yannick Vély

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