Les génériques des James Bond sont aussi cultes que les films qu'ils introduisent. Originaux à la fois de par leur structure en deux parties et leur esthétique très novatrice, ils font partie intégrante de l'univers bondien.

LE JAMES BOND THEME

Lorsqu'ils décident de se lancer dans l'aventure Bond, Broccoli et Saltzman se sont mis d'accord. Il leur faut une musique moderne pour accompagner les exploits de 007, un son nouveau et facilement identifiable par le public. Séduits par le côté expérimental d'un certain Monty Norman, ils lui passent commande de la musique originale. Mais les compositions que leur présente Norman leur semblent faibles et peu dynamiques. Il leur en faut plus. Ils envoient alors les samples au célèbre John Barry, très en vogue à l'époque. Ce dernier retravaille le tout sans voir un seul extrait du film, en se basant uniquement sur ce qu'il a lu dans la presse. Il en sort une bande originale très énergique, de laquelle se détache un morceau aux solos de guitare d'une ampleur telle que les producteurs décident de l'utiliser pour le générique. Le James Bond Theme est né. Pour agrémenter ce thème, il leur faut des images qui soient en adéquation avec son côté novateur et percutant. Saltzman a alors l'idée de faire appel à Maurice Binder, réputé pour son travail éclairé dans la publicité et le cinéma. Avec pour seule consigne de réaliser un générique époustouflant qui marquera les esprits, Binder leur propose une idée des plus saugrenues: filmer Bond à travers le canon d'un revolver. A l'aide d'une caméra miniature, il récupère les images de l'intérieur d'un canon et les monte avec une séquence filmée de Sean Connery en train de tirer. L'effet est total. Ce générique gun barrel associé à la musique de Norman/Barry devient un véritable culte. Il est placé systématiquement avant les séquences de pré-générique de tous les films de la série et se pose désormais plus comme une marque de fabrique des productions EON que comme un générique à part entière. De ce fait, ce pré-pré-générique est toujours complété d'un générique, au sens propre du terme, qui introduit le film. Changement de cap, Casino Royale présentant les débuts de James Bond en tant qu’agent secret aux services de sa majesté, le gun barrel n’apparaît pour ce nouvel opus qu’après quelques minutes de métrage.

DES GENERIQUES PUREMENT ESTHETIQUES

Quand Dr. No sort en 1962, le générique n'est constitué que de simples points de couleurs qui se déplacent sur un font noir accompagnés par la musique de Norman/Barry (le James Bond Theme suivi d’une partition au bongo), puis par les premières notes de la chanson créole Three Blind Mice (créditée dans la bande originale Kingston Calypso) servant de transition avec la première scène du film. Le tout rappelle le gun barrel du début, mais semble bien plat en comparaison. L'année suivante, pour Bons Baisers de Russie, Broccoli et Saltzman décident de donner plus d'envergure à leur deuxième générique, pour qu'il soit plus en écho avec l'ampleur du gun barrel. Pour ce faire, ils contactent de nouveau John Barry, et lui demandent d'écrire une chanson spécialement pour le film. Aidé de Lionel Bart pour les paroles, Barry écrit From Russia with love. Interprétée par Matt Munro, la chanson devient le premier thème vocal de la série. La voix suave de Munro apporte un côté sexy à l'arrière plan musical romantique créé par Barry. Cependant seule la partition musicale sera utilisée pour le générique constitué d’images ondulantes de parties du corps de danseuses orientales sur lesquelles défilent les crédits. Les deux producteurs réitèrent l'opération pour leur troisième film, et engagent cette fois-ci Shirley Bassey pour interpréter la chanson de Goldfinger. La chanson accompagne pour la première fois les images du générique qui proposent des extraits du film projetés sur des corps de femmes dorés. La musique de Barry et l'assurance qui traverse la voix de Bassey sont en parfaite adéquation avec le personnage de Goldfinger. Ce thème du film deviendra d'ailleurs le plus connu de la série, après le James Bond Theme, et Shirley Bassey aura l'honneur d'interpréter également les chansons de Les Diamants sont éternels et Moonraker.

S’ils ont parvenus en trois films à donner une identité musicale à leur série, Broccoli et Saltzman cherchent pour leur quatrième opus Opération Tonnerre une idée visuelle plus intéressante et marquante que les simples projections réalisées dans les deux génériques précédents. Ils confient une fois de plus la tâche à Maurice Binder, qui se montre une fois de plus totalement novateur. Pendant trois jours, il filme trois danseuses dans un ballet aquatique très sensuel, à la limite de l'érotisme, qui reprend certains sujets abordés dans le film comme le fusil arpon. Le tout accompagné par une composition de John Barry dont les paroles sont interprétées par la star Tom Jones. Le résultat est stupéfiant, le public est sous le charme. EON productions tient sa formule: faire danser sur des musiques catchy dignes des top 50 des femmes envoûtantes à moitié nues, dans un environnement atypique qui rappelle les thèmes récurrents du film. De 1965 à 1989, les génériques vont tous être réalisés sur ce modèle si efficace, sous la houlette bienveillante de Maurice Binder et John Barry (par intermittence pour ce dernier). Au niveau des chansons, on retrouve dans la liste des interprètes les noms de Nancy Sinatra (On ne vit que deux fois), Paul McCartney (compositeur de Live and let die pendant la parenthèse George Martin), Lulu (L’Homme au pistolet d’or), Carly Simon (L’Espion qui m’aimait dont la bande originale est signée Marvin Hamlish et se placera 2ème dans les charts Américains), Sheena Easton sur une partition de Bill Conti (Rien que pour vos yeux), Rita Coolidge (Octopussy), Duran Duran (Dangeureusement votre), A-Ha (Tuer n'est pas jouer), Gladys Knight sur une partition de Walter Afanasieff (Permis de tuer).


NOUVELLE ERE ?

En 1992, lorsque EON productions se sort enfin des litiges juridiques qui les empêchaient de réaliser un nouveau film, toute l'équipe a changé. Barbara Boccoli et Michael Wilson, les nouveaux producteurs, doivent trouver un nouveau créateur pour leur générique, tout en espérant garder la formule ancestrale. Pour le côté visuel, ils font appel à Daniel Kleinman, qui avait réalisé en 1989 un très bon clip pour Licence to kill, interprétée par Gladys Knight. Pour son premier essai avec GoldenEye, Kleinman signe un générique dans la pure lignée de son prédecesseur. Comme Binder, il met en scène des corps de femmes, joue sur les ombres et les échelles de plan, tout en y apportant une petite touche de modernité par un traitement plus sombre de l'image et l’utilisation de la 3D. Pour l'accompagner musicalement, les deux producteurs ont dans l'idée de faire un retour en force. Ils se tournent donc vers Bono et The Edge du groupe U2 pour écrire les paroles, qu'ils demandent à la reine Tina Turner d'interpréter. Le mélange est détonnant et la chanson GoldenEye rappelle par certains côtés celle de Goldfinger. Fort de ce premier succès, Kleinman réalise les deux génériques suivants et introduit peu à peu une nouvelle esthétique, en jouant sur la transformation et la fusion des éléments. Dans Demain ne meurt jamais, les corps et les objets sont passés aux rayons X, transformant les femmes en semi-robots. Dans Le monde ne suffit pas, les silhouettes semblent sortir d'une nappe de pétrole. Noires, irisées, elles dégoulinent pour se fondre et se reformer avec le décor. Au niveau musical, ces génériques bénéficient des interprétations très bondiennes de Sheryl Crow et de Garbage. Tout en insufflant un air de nouveauté, l'esprit de la série est toujours présent.

2002, James Bond a 40 ans et 20 films à son actif, l’année anniversaire Barbara Broccoli et Michael Wilson se doivent de marquer le coup. Près de six mois avant la sortie du film la nouvelle chanson de Madonna, prévue pour le générique débarque sur les ondes. Résolument électronique, cette interprétation se pose en décalage complet avec tout ce qui a déjà été fait. Les uns s'offusquent, les autres restent sceptiques en se délectant devant un clip parfait pour attendre le film. Quand Meurs un autre jour sort enfin, le nouveau générique est un réel choc. Daniel Kleinman recycle, mélange, pour arriver à une esthétique résolument moderne et novatrice. Si il reprend l’idée du générique de Goldfinger et incorpore aux silhouettes habituelles des images du film, elles ne sont plus des extraits projetés sur les corps mais une réelle séquence partie intégrante du récit le faisant se poursuivre dans la structure même du générique. Des femmes en fusion jouent avec le corps de Bond meurtis et emprisonné. Le résultat est à la fois déroutant et parfait faisant de ce générique l'un des meilleurs de la saga. Pour le dernier opus Casino Royale, Broccoli et Wilson on fait appel à Chris Cornell pour interpréter la chanson de générique You Know My Name marquant à la fois le retour d’une voix masculine (les derniers interprètes masculins étant A-Ha) et d’un titre qui ne reprend pas celui du film. Au niveau esthétique Daniel Kleinman a intégré cette fois-ci des silhouette de Bond dans un univers en trois dimensions de tapis, de cartes et de jetons de casino.

Julie Anterrieu