Festival de Cannes 2014: le bilan !

Festival de Cannes 2014: le bilan !

Quels ont été les hauts et les bas de Cannes 2014 ? Les tendances et les surprises ? FilmDeCulte fait le bilan de cette 67e édition.

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Jane Campion, présidente de la 67e édition du Festival de Cannes, a déclaré qu’il n’y avait pas assez de prix pour récompenser les films aimés par son jury cette année. Il n’y avait que 18 longs métrages dans cette sélection resserrée, 7 prix à distribuer (soit déjà pratiquement une chance sur deux de repartir avec des lauriers), 8 ont finalement été décernés avec le prix du jury ex-aequo. Abderrahmane Sissako (Timbuktu) et Naomi Kawase (Still the Water), présents dans la salle lors de la remise du palmarès, ont-ils été pressentis jusqu’au dernier moment ? Campion a en tout cas déclaré que le film de cette dernière avait été très aimé du jury. Ce qui monterait le nombre de films primés/primables à 10 sur 18. Cru exceptionnel donc ? Malheureusement, nous n’avons pas pris autant de plaisir que la réalisatrice néo-zélandaise et ses jurés.

Malgré quelques sommets (en tête, Dolan et Kawase), la compétition a été à nos yeux une des plus faibles de ces dix dernières années. Même le niveau moyen d’une sélection pas forcément plébiscitée comme celle de 2010 était plus fort. Thierry Frémaux n’aime pas qu’on parle d’abonnés. Il y a en effet dans cette appellation un mélange de mauvaise foi (qui pense que tout le line-up cannois peut être entièrement renouvelé d’une année à l’autre sans l’affaiblir ? Pourquoi se priver des grands films des grands cinéastes ?) et de paresse (des nouvelles têtes, il y en a chaque année, une bonne partie de la presse ne s’y intéresse juste pas – et il ne faut pas oublier que quelques années à Cannes suffisent à se rendre compte que beaucoup de journalistes détestent faire des découvertes, cf l'accueil presse de Le Meraviglie).

Pourtant, ce qui a rendu cette compétition assez triste, c’est le sentiment que lesdits « abonnés », ou en tout cas les réalisateurs déjà venus en compétition et qui y reviennent, n’étaient pas là pour de bonnes raisons. C’est éminemment subjectif, comme les choix de Frémaux et les goûts de Campion. Mais rarement on se sera autant demandé : « pourquoi ce film est-il en compétition ? » : Jimmy’s Hall, The Search, Captives, The Homesman, Relatos Salvajes - presque un tiers de la compétition (et on ne compte pas certains films que nous n’avons pas aimés mais dont on peut comprendre la présence). Pourquoi reprendre Ken Loach, déjà sélectionné 18 fois, pour un film aussi faible, bâclé et superficiel ? Pourquoi faire revenir Egoyan avec un thriller lambda qui aurait aussi bien pu être signé Ron Howard ? Pourquoi, lorsqu’on visionne 1800 films, sélectionner The Search, à part pour faire revenir Hazanavicius après le triomphe de The Artist ? Il doit y avoir de bonnes raisons mais celles-ci nous échappent.

D’autant que ce Festival de Cannes n’a pas été mauvais. De très bons films, on en a vus, des films imparfaits mais passionnants et stimulants aussi. Mais ces derniers semblaient relégués aux sections parallèles. Ce qui rendait certains choix de la compétition encore plus curieux. Jimmy’s Hall oui, mais Bande de filles et Turist / Force majeure, non ? Les films ultra-modernes, courageux, différents et passionnants de Céline Sciamma et Ruben Östlund avaient selon nous parfaitement les épaules pour la compétition. D’autres, et c’est encore une fois tout à fait subjectif, nous ont semblé être suffisamment ambitieux, accomplis, radicaux, riches et généreux pour intégrer la sélection-reine : White God de Kornel Mundruczo, Le Conte de la Princesse Kaguya d’Isao Takahata (annoncé comme une première internationale par la Quinzaine, et donc éligible pour la compétition ?), Gett – le procès de Viviane Amsalem de Ronit et Shlomi Elkabetz, Bird People de Pascale Ferran ou Amour fou de Jessica Hausner. Un autre regret a été de voir la dimension de l’imaginaire en grande partie laissée hors compétition. Le réalisme, sauf exceptions, reste une valeur sûre en compétition, mais la majorité de propositions les plus poétiques se trouvaient ailleurs, à Un Certain Regard ou dans les sections parallèles.

Entre Sciamma, Ferran, Hausner ou Elkabetz, beaucoup de réalisatrices se sont illustrées. Auraient-elles pu rejoindre Alice Rohrwacher et Naomi Kawase en compétition, et être six pour battre le score de 2011 (4) ? Désolé pour ceux que ce « marronnier » agace, mais si l’on veut bien entendre l’argument du manque de réalisatrices dans l'industrie "en général", on a pu voir que cette année, elles étaient bien présentes à Cannes, alors que bien des réalisateurs masculins ont été sélectionnés en compétition malgré des œuvres moyennes. Les films de ces réalisatrices sont-ils trop bancals (Bird People), trop fragiles (Amour fou), trop petits (Gett), trop… trop on ne sait pas quoi (Bande de filles) ? Mais The Search, c’est un film parfait ? Relatos Salvajes, c’est un grand film incontournable ? On cherche souvent beaucoup de raisons pour expliquer la faible présence féminine. Cette année, ces raisons ne nous ont pas convaincus.

« A Cannes, les femmes montrent leurs seins et les hommes montrent leurs films » commentait, avec malice, la présidente Campion. De façon tout à fait ironique, beaucoup de films, pour certains féministes, se sont interrogés sur le genre et sur les stéréotypes de genre (même si là encore, il fallait hélas plutôt chercher du côté des sections parallèles). On pense à l’héroïne combattante de Bande de filles qu’on n’avait jamais vue ailleurs auparavant, à la mise à mal du mâle alpha dans Turist (même si le film ne se limite pas à ça), au divorce tragi-comique de Viviane Amsalem soumise à son mari et à la religion dans Gett, à la haine des femmes dépeinte dans Catch Me Daddy, au jeu amoureux légèrement « inversé » dans Still the Water, à la lesbophobie et au machisme dans A Girl at my Door, à la peur inspirée par les femmes dans When Animals Dream, à la modernité de la princesse éternelle de Kaguya ou encore à la Party Girl du film éponyme, qui envoie valser ce que la société peut attendre d’une respectable sexagénaire. Des films de combat qui, hormis un Catch me Daddy qui se perd en route, avaient la flamme et ont fait plaisir à voir. Il n'est pas question, comme on l'entend parfois bêtement, d'imposer des quotas. Mais la diversité stimule une diversité de points de vue, et une compétition artistique ne peut qu'en être enrichie.

Quid du palmarès ? La Palme décernée à Sommeil d’hiver de Nuri Bilge Ceylan vient couronner un cinéaste qui tournait autour depuis des années (deux Grands Prix, un prix de la mise en scène, un prix d’interprétation et maintenant une Palme en 5 sélections à Cannes – Ceylan is the new Dardenne). Le film a divisé la rédaction mais pas de quoi crier au vol. C’est plus la ligne Ceylan-Zviagintsev-Godard qui pèse un peu sur ce palmarès, cette famille d’auteurs hardcore et sentencieux (ne croyez pas le buzz cannois : s’il y a des touches d’humour dans Leviathan, vous ne vous taperez pas sur les cuisses pendant 2h20) qui a fait carton plein face à des auteurs qui sont moins dans la démonstration de force (Dolan, seulement prix du jury, et Kawase, absente) et dont les œuvres poétiques respirent plus. On pensait qu’une cinéaste comme Jane Campion y serait plus sensible. On a eu tort, mais on vous encourage chaudement à les découvrir à leur sortie en salles.

Cannes 2014 - notre dossier
Cannes 2014 - notre palmarès

par Nicolas Bardot

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