Pokot

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Pokot
Pologne, 2017
De Agnieszka Holland
Durée : 2h08
Note FilmDeCulte : *****-
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Duszejko, une femme à la retraite, mène une vie isolée dans un village montagneux situé à la frontière entre la Pologne et la République Tchèque. Duszejko est charismatique, excentrique, elle est passionnée d'astrologie et est une stricte végétarienne. Une soir, elle découvre le cadavre de son voisin. Plusieurs hommes meurent d'une manière aussi mystérieuse. Tous étaient des piliers de la communauté, et tous étaient des chasseurs. Ces hommes ont-ils été tués par des animaux sauvages ? Ou quelqu'un a-t-il entamé une vendetta sanglante? Duszejko elle-même éveille les suspicions...

MA SORCIERE BIEN AIMEE

Au cœur de Pokot, le nouveau film d’Agnieszka Holland (lire notre entretien), se trouve un décor majestueux : une immense forêt du cœur de l’Europe, un paysage encore sauvage, où les sangliers et les cerfs semblent plus nombreux que les humains. Un décor où, malgré la proximité de la ville et de ses technologies modernes, on sent que les légendes ancestrales ne sont jamais très loin, et pourraient bien reprendre vie. On y raconte même que des animaux qui y résident pourraient se venger des humains qui les maltraitent… Duszejko, la vieille dame excentrique qui propage ces histoires est-elle une illuminée ou une sage philosophe ? Au cœur du film et de ce bois, il y a avant tout ce personnage en or massif, cette mamie solitaire et irrésistible, qui sait aussi bien se servir d’un portable que calculer un thème astral de tête. Une vieille dame indigne et farfelue qui tire la langue aux flics mais vient en aide à son prochain, surtout si celui-ci est à quatre pattes.

Une série de meurtres brutaux a lieu dans la forêt. Et les victimes sont tous des hommes, notables de la ville, chasseurs et braconniers. Le genre d’homme à lever les yeux au ciel quand Duszejko leur parle, le genre d’homme à ne même pas faire l’effort de prononcer son nom correctement. Autour de leurs cadavres, seulement des traces de pattes d’animaux. Ces derniers se sont-ils effectivement vengés ? Est-ce Duszejko qui les y aurait poussés ? Serait-elle plus concrètement responsable ce ces décès ? Pokot suit cette enquête tambour battant, au son du cor de chasse et des coups de fusil, avec un sens du détail amusé qui n’empêche pas une vraie férocité. La bienveillance et le rire ne sont jamais loin, mais le sang coule. Et surtout, la métaphore politique et féministe sur la vengeance des minorités est cinglante.

Végétarienne, animiste, païenne, Duszejko serait-elle une sorcière? Ce qui est sûr c’est que Pokot est lui, un vrai film de sorcière, et ce dans tous les meilleurs sens du terme. Tandis que Duszejko cherche à tordre le coup à une société régie par la violence des hommes (envers les animaux, les femmes, la nature), et à mesure que tombent tous les paternalistes de tout poil - pour notre plus grand plaisir - Agnieszka Holland saisit à bras le corps chaque occasion de prendre le contre-pied des codes d’un cinéma de mecs. Les genres, les styles, les registres sont ici mélangés dans un généreux bouillon : quitte à ruer parfois dans les brancards, la réalisatrice passe de la farce au film noir, du fantastique au burlesque en se moquant des sentiers battus, en se moquant des attentes et des modèles. Et elle a raison : dès les premiers plans où l’héroïne se dessine sur un soleil levant, Pokot est formellement impressionnant et imprévisible. Privilégier la marge à l'ordre établi, suivre l’instinct plutôt que la règle, voilà la passionnante invitation de Duszejko et Agnieszka Holland. Redonnons le pouvoir aux sorcières !

par Gregory Coutaut

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