Publié le 10/09/2019

L'ÉTRANGE FESTIVAL : compte-rendu du dimanche 8 septembre

L'ÉTRANGE FESTIVAL : compte-rendu du dimanche 8 septembre

La journée du dimanche 8 septembre à l’Etrange Festival démarre avec Paradise Hills, réalisé par Alice Waddington (Espagne/USA). Une jeune femme (Emma Roberts) se réveille sur une île faussement paradisiaque, dans laquelle on commence à la préparer pour un mariage qu’elle ne désire pas. Paradise Hills est un conte de fée à l’époque du numérique, dans laquelle les jeunes femmes ne rêvent plus du prince charmant mais d’une indépendance. Ainsi, le joli décor façon interprétation de Barbie et les projets de vie qui leur sont attribués n’ont plus de rien d’intéressants ou flatteurs pour elles, ils deviennent rapidement la représentation d’un cauchemar dans lequel elles sont enfermés. Riche en symboles, Paradise Hills se veut très abordable, quitte à être naïf, parfois un peu trop. La surenchère d’explications et le refuse de montrer trop de violence fait qu’il se retrouve avec un air de film « pour adolescent.es » mais ce n’est pas plus mal parce qu’il représente finalement assez bien les désirs et valeurs d’une nouvelle génération. Paradise Hills, présenté dans le cadre de la sélection « Nouveaux talents », sera rediffusé le mardi 10 septembre à 15h00.

Nous avons ensuite rendez-vous, pour 1BR (David Marmor / USA), à Los Angeles. La fameuse ville des anges, son soleil, ses stars, son symbole et… La difficulté à s’y loger et s’y intégrer. Lorsque Sarah arrive dans cette nouvelle ville, avec le projet de devenir, dans un futur plus ou moins proche, costumière, elle trouve un appartement presque par miracle. Ses voisins semblent tous gentils et elle est rapidement invitée à tous les évènements organisés par le jeune homme qui habite la porte à côté. Mais ce cadre idyllique n’est pas sans cacher quelque chose. Inspiré par le ressenti personnel du réalisateur/scénariste lors de son arrivée à LA, le thriller présente un excellent postulat : présenter l’arrière plan de la célèbre ville, par le biais d’un personnage qui rêve d’une profession dans l’ombre des plateaux mais finit secrétaire en intérim. C’est un Los Angeles à taille humaine dont on ne voit qu’une résidence pour le bas de la classe moyenne et des bureaux sans âme, soit le quotidien inconnu de beaucoup d’angelins anonymes. La perturbation survient de la solitude qui naît parfois dans les grandes villes, le récit se nourrit de ce trouble et en fait le prétexte du thriller. Jusque là, 1BR a tout pour convaincre mais le déroulement de l’action manque de saveur et la mise en scène peine constamment à suivre. A défaut d’être une révélation en tant que réalisateur, on notera que David Marmor est un scénariste qui sait faire naître la très bonne idée.

Il a été demandé au célèbre compositeur et musicien Warren Ellis de choisir un film, dans le cadre de la rétrospective « 25 ans, 25 ans ». Il s’est tourné vers un film qui a pour décor son pays natal, l’Australie. Dans Walkabout (aussi précédemment appelé, en France, La Randonnée), de Nicolas Roeg (1971, Australie/Angleterre), une adolescente et son frère se retrouvent, suite à un drame familial, perdus dans le bush australien. Ils font la rencontre d’un jeune aborigène en plein rituel initiatique, avec lequel ils vont faire un bout de chemin. Réflexion sur la nature de la civilisation blanche et, sur le rapport avec le mot civilisation au sens philosophique, Walkabout est une expérience aussi sensorielle. Sa forme se plaît à mettre en parallèle le goudron d’une route et la terre orange de l’Australie, le béton d’un mur et la pierre brute d’une falaise. Ce qui devait être un parcours empreint de souffrances pour les personnages blancs devient, grâce à leur nouveau mentor, un voyage au paradis ou à un nouvel Eden. Ils s’abreuvent et s’intègrent à une nature inhospitalière, pour du moins le temps du récit, parce que l’on comprend bien vite que la séparation est inévitable. A défaut de pouvoir apprendre l’humilité à l’homme blanc, Roeg a créé une histoire qui n’existe que grâce à la candeur et la position de ses personnages, encore jeunes, dont l’enfant devient même interprète. La fascination du réalisateur anglais pour les paysages australiens finit par contaminer la spectateur et, du récit simple, naît une œuvre cinématographique grandiose.

Enfin, retour à la compétition pour clôturer ce week-end de festival, avec Idol de Su-Jin Lee (Corée du Sud). Un homme politique se retrouve bien embêté quand son fils ramène chez lui l’homme qu’il a tué, lors d’un accident de voiture. En parallèle, le père du défunt cherche à savoir ce qui est arrivé à son fils. Ce postulat était déjà pourvu d’un sous-texte social, l’un des pères étant bien nanti, l’autre appartenant à la classe populaire. La question se creuse davantage lorsque le récit aborde le sujet des jeunes femmes chinoises qui immigrent en Corée du Sud – ajoutez à cela quelques symboles bien sentis, qui heurtent la Corée du Sud mais demeurent universels. L’inconvénient c’est qu’à force de digresser et d’alambiquer son récit, les thématiques d’Idol se perdent et ne se retrouvent pas toujours, on finit davantage à chercher les liens entre chaque évènements plutôt qu’à s’émouvoir de l’histoire. Idol sera rediffusé le vendredi 13 septembre à 17h00.

L’Etrange Festival se poursuit jusqu’au dimanche 15 septembre, toujours au Forum des images, à Paris.

Cliquer ici pour le compte-rendu du jeudi 5 septembre
Cliquer ici pour le compte-rendu des 6 et 7 septembre

par Manon Franken

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