Forum: Golden Exits

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Golden Exits
États-Unis, 2017
De Alex Ross Perry
Avec : Emily Browning
Durée : 1h34
Note FilmDeCulte : *****-
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Le quotidien de deux couples de Brooklyn est bouleversé par l'arrivée d'une jeune femme venue d'Australie.

PANORAMA DE L‘ENFER

Comédie. Intello. New-yorkaise. Prononcés à la suite, presque comme un seul mot ou une formule magique, ces trois termes évoquent une famille de films bien précise. En six ans et quatre films, Alex Ross Perry s’est imposé comme l’un des représentants les plus intéressants de cette famille. Et ce, paradoxalement, alors qu’il en est moins l’élève appliqué que le poil à gratter. Ses comédies ne font pas dans la simple carte postale de Brooklyn, et s’il fait semblant de respecter le cahier des charges du genre (ah, ces artistes et leurs petits travers), c’est pour mieux le faire imploser, pour en révéler le triste revers de la médaille. Chez lui, les adorables névrosés laissent plutôt place à des personnages méchants, parfois difficilement aimables - un péché cardinal dans le cinéma américain, même indépendant. Son précédent film, le gonflé Queen of Earth, avait enfoncé le clou : la folie de l’héroïne cessait en effet d’y être un toc cocasse pour devenir carrément flippante. On ne savait plus trop s’il fallait rire ou s’inquiéter sérieusement.

Avec son titre plein d’espoir, avec sa patine 70’s et son casting chic et branché (Emily Browning, Jason Schwartzman, Chloë Sevigny, Mary-Louise Parker…) Golden Exits parait promettre une réconciliation avec une bienveillante légèreté, et avec des codes de comédie plus conventionnelle. Il y a bel et bien de l’humour dans le film, mais en dehors de cela… c’est tout l’inverse. Le rire est jaune est mordant, et le titre est des plus ironiques : aucune porte de sortie en vue pour ces personnages prisonniers de leur aveuglement ou de leur égo. Et pourtant, cette promesse d’avenir doré frappe à la porte de chacun en la personne de Naomi, irrésistible jeune Australienne venue effectuer un stage à New York. Plus jeune, plus naïve et plus dynamique que tous les autres protagonistes, elle est accueillie à bras ouvert par quatre amis qui aurait bien besoin d’elle. L’histoire semble écrite d’avance : on devine que c’est moins Naomi qui va grandir au milieu de ces adultes que ces derniers qui vont retrouver une insouciance au côté de cette fille solaire. Patatras.

Autre crime de lèse-majesté du cinéma d'outre-Atlantique : Naomi aura beau leur tendre la perche, les personnages n’apprendront rien, et termineront le film exactement comme ils l’ont commencé, enterrés vivants dans leurs névroses. Les personnages de Golden Exits parlent beaucoup, persuadés de pouvoir tout expliquer, tout se dire. Ils parlent mais n’agissent jamais, et sans même se rendre compte de leur mauvaise foi. Tout le monde trouve tout thrilling, mais chaque sourire cache des dents qui grincent très fort. On y parle de son bonheur en ayant pourtant l’air d’avoir envie de mourir, chacun y va de sa leçon de vie, traitant peu à peu Naomi avec une condescendance cruelle derrière le moindre conseil. Incapable de mettre un terme à leur faux bonheur, les personnages sont bel et bien prisonniers. Là encore on rit, mais on s’inquiète aussi franchement.

Il y a dans Golden Exits une petite musique qui recouvre la quasi intégralité des scènes. La  mélodie est d’abord rêveuse, et vient créer une sorte de distance mélancolique avec toutes ces petites aventures du quotidien. Comme si tout cela n’avait lieu que dans les souvenirs de quelqu’un. De plus en plus entêtante, cette musique devient carrément étrange. Une atmosphère de menace amère pèse alors sur ses personnages. Il y a une dimension presque fantastique qui vient se greffer à ce portrait de groupe où chacun semble incapable de communiquer, de ressentir quelque chose. Il faut voir Chloë Sevigny (impeccable) traverser tout le film avec le même masque de dépression, comme si elle était un fantôme japonais incapable de rentrer en contact avec les humains. C’est comme si les personnages des films de Greta Gerwig et Woody Allen avaient cessé de rire et se retrouvaient tous en enfer. Le résultat, au ton proprement unique, à la fois drôle et glaçant, est stupéfiant.

par Gregory Coutaut

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